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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour
Autoren: Robert Merle
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rat !
    — Que veut dire cette parladure ? dit Guillemette,
en venant audacieusement mettre son joli museau entre Miroul et moi.
    — Que si, dis-je, le chat est mauvais, le rat doit
l’être aussi. Et toi, souriceau, peux-tu me dire ce que tu viens grignoter céans ?
    — Monsieur mon maître, à bien voir pièce après pièce,
je me suis apensée qu’il me faudra bien huit jours pour approprier ce logis,
car tout, céans, est gras, souillard, charbonné, sale, orde et puant.
    — Huit jours, Guillemette ? dis-je en levant le sourcil.
T’aurais-je donc à mon service embauchée ? Est-ce chose faite ?
    — Oui-da, Monsieur le Marquis ! dit la mignote
sans battre un cil mais à des conditions.
    — Tiens donc ! dis-je en riant à gueule bec, des
conditions ! Tu me fais de présent des conditions ! Et quelles ?
    — Que vous me donniez quatre écus le mois, avec le
vivre et le coucher.
    — C’est raisonnable assez.
    — Et que vous commandiez à vos deux arquebusiers de ne
me point pastisser les arrières, comme jà ils ont attenté de faire.
    — Que farouche ! Serais-tu donc pucelle ?
    — Nenni, Monsieur mon maître. Pucelle ne suis, mais ne
me baille pas non plus à tout venant.
    — Adonc, point de Pissebœuf ni de Poussevent. Et
M. de La Surie ?
    — Non plus.
    — Voyez-vous l’effrontée ! s’écria Miroul en
riant, mais d’un seul côté du bec.
    — Et moi ? dis-je.
    — Ce sera à considérer, dit Guillemette en
m’envisageant de cap à pié.
    — Ha ! mon Pierre ! dit Miroul en oc, que
voilà mignote résolute, et qui parle au maître quasiment en maîtresse. Est-ce
bien sage de l’embaucher ?
    — Se peut que non. Mais est-ce raison d’être sage
toujours ?
     
     
    À la fin mars, je reçus, écrite de la main d’Angelina –
je dis bien de sa main, et le lecteur n’ignore pas pourquoi –, une lettre
fort bien troussée, où elle me mandait son intention de ne point venir vivre en
Paris avec nos enfants tant que l’envitaillement y serait si
difficultueux – alors qu’il était si aisé en ma seigneurie du Chêne
Rogneux – et aussi tant que sévirait en la capitale cette épidémie des
fièvres chaudes dont on disait qu’elle avait jà tué plus de monde que la faim,
pendant le siège, n’en avait dépêché. Je ne pouvais, certes, blâmer Angelina de
cette décision, laquelle j’avais laissée à son meilleur jugement et d’autant
qu’elle me priait et suppliait avec la plus douce insistance de la venir voir
en Montfort l’Amaury le plus souvent que je pusse, pour ce que mon absence,
disait-elle joliment, « engrisaillait ses jours et déconfortait ses
nuits ».
    Je cachai sa non-venue à Doña Clara pour la raison que si
elle l’avait sue, elle eût, à coup sûr, exigé de moi, ou que je revinsse vivre
rue des Filles-Dieu avec elle, ou que je l’acceptasse rue du Champ Fleuri.
    Car encore que je n’eusse jamais consenti à dépasser avec
elle, comme dit saint Augustin, le seuil lumineux de l’amitié, j’étais à elle
fort affectionné et elle à moi, tant est qu’elle m’eût désiré tout à soi. Ce
que je noulais, tant pour ne pas offenser mon Angelina que parce que Doña
Clara, maugré les nobles qualités de son cœur, s’averrait, à l’usance, assez
malcommode à vivre, étant de ces passionnées et impérieuses dames qui, se
trouvant piquées de tout, ne se peuvent empêcher de piquer à leur tour,
laissant leurs dards s’envenimer dans les navrures qu’elles vous font.
    Cependant, je n’eusse pas voulu non plus discontinuer de la
voir, ni qu’elle repartît en ses Espagnes : raison pour quoi, comme j’ai
dit, j’avais retenu à loyer mon ancien logis de la rue des Filles-Dieu et
maintenu à son service et en mon emploi Héloïse et Lisette, la première parce
qu’elle consolait mon Miroul de l’absence de sa Florine, dame d’atour de mon
Angelina, et la seconde pour ce que M. de L’Étoile, qui ne la pouvait
garder chez lui vu la jaleuseté de son épouse, m’avait prié de l’embaucher chez
moi, où il la venait quotidiennement visiter. À vrai dire, je plaignais quelque
peu en mon cœur huguenot les dépens et débours qu’entraînait ce deuxième logis.
Mais qu’y pouvais-je ? Et qui pourra prétendre que l’amitié n’a pas sur
nous quelques droits qu’il nous faut à toutes forces honorer à peine de chasser
de son cœur d’aucunes des plus douces aménités de la vie ?
    Bien me
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