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La pierre et le sabre

La pierre et le sabre

Titel: La pierre et le sabre
Autoren: Eiji Yoshikawa
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de quelque logique
perverse, il semblait que tous les efforts de Musashi en vue de devenir un être
supérieur eussent été réduits à néant, que toutes ses luttes, toutes ses
privations eussent été rendues complètement vaines. Le visage enfoui dans l’herbe,
il se disait qu’il n’avait rien fait de mal, mais sa conscience n’était pas
satisfaite.
    Ce que la virginité d’une jeune
fille, qui ne lui était accordée que pour une brève période de sa vie,
signifiait pour elle – à quel point elle lui était précieuse et douce – voilà
une question qui n’avait jamais traversé l’esprit de Musashi.
    Mais tandis qu’il respirait l’odeur
de la terre, il recouvra peu à peu la maîtrise de lui-même. Quand finalement il
se releva, le feu grondant avait quitté ses yeux, et son visage était sans passion.
Ecrasant du pied le sachet, debout, il regardait le sol avec intensité ;
il semblait écouter la voix des montagnes. Ses épais sourcils noirs étaient
froncés tout comme ils l’avaient été lorsqu’il s’était jeté dans la bataille,
sous le pin parasol.
    Un nuage cacha le soleil, et le
cri aigu d’un oiseau déchira l’air. Le vent tourna, modifiant subtilement le
bruit de la chute d’eau.
    Otsū, le cœur palpitant comme
celui d’un moineau effrayé, observait de derrière un bouleau les angoisses de
son ami. Se rendant compte du mal qu’elle lui avait fait, elle brûlait maintenant
d’être de nouveau à son côté ; pourtant, elle avait beau vouloir courir à
lui pour implorer son pardon, son propre corps refusait d’obéir. Pour la
première fois, elle se rendait compte que l’amoureux à qui elle avait donné son
cœur n’était pas le fantasme de vertus masculines qu’elle avait imaginé. Le
fait de découvrir la bête nue, la chair, le sang et les passions, lui assombrissait
les yeux de tristesse et de frayeur.
    Elle avait commencé à fuir, mais
au bout de vingt pas son amour la rattrapa et la retint. Alors, un peu calmée,
elle se mit à imaginer que le désir de Musashi était différent de celui des
autres hommes. Plus que toute autre chose au monde, elle voulait lui demander
pardon, et lui assurer qu’elle ne lui gardait pas rancune de ce qu’il avait
fait.
    « Il est encore fâché, se
disait-elle avec crainte en s’apercevant soudain qu’il n’était plus devant ses
yeux. Oh ! que faire ? »
    Nerveusement, elle retourna à la
petite hutte, mais il n’y avait plus qu’une froide brume blanche et le tonnerre
de l’eau qui semblait secouer les arbres et faire tout vibrer autour d’elle.
    — Otsū ! Il est
arrivé quelque chose d’affreux ! Musashi s’est jeté à l’eau !
    Ces cris frénétiques de Jōtarō
venaient d’un promontoire dominant le bassin, une seconde à peine avant que l’enfant
n’empoignât une glycine et ne commençât à descendre, balancé de branche en
branche comme un singe.
    Bien qu’elle n’eût pas saisi les
paroles véritables, Otsū perçut l’urgence de sa voix. Elle dressa la tête,
alarmée, et se mit à dévaler la pente abrupte en glissant sur la mousse et en
se rattrapant aux rochers.
    La silhouette à peine visible à
travers l’écume et la brume ressemblait à une grosse pierre, mais c’était en
réalité le corps nu de Musashi. Mains jointes devant lui, tête baissée, il
paraissait un nain à côté des quinze mètres de cascade qui se déversaient sur
lui.
    A mi-pente, Otsū s’arrêta
pour le contempler, horrifiée. Debout sur l’autre rive, Jōtarō était,
lui aussi, cloué au sol.
    —  Sensei  !
criait-il.
    — Musashi !
    Leurs clameurs n’atteignirent
jamais les oreilles du jeune homme. C’était comme si mille dragons d’argent lui
mordaient la tête et les épaules, comme si les yeux de mille démons aquatiques
explosaient autour de lui. Des tourbillons pleins de traîtrise le tiraient par
les jambes, tout prêts à l’entraîner dans la mort. Une seule faute de rythme
respiratoire ou cardiaque, et ses talons eussent perdu leur prise fragile sur
le fond couvert d’algues, son corps eût été balayé par un courant violent et
sans retour. Il lui semblait que ses poumons et son cœur croulaient sous le
poids incalculable – la masse totale des montagnes de Magome – qui
tombait sur lui.
    Son désir pour Otsū mourait
de mort lente, car il était proche parent du tempérament passionné sans lequel
il ne fût jamais allé à Sekigahara ni n’eût accompli aucun de ses
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