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La passagère du France

La passagère du France

Titel: La passagère du France
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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cherchiez ? dit-elle, gênée.
    — Je donnais un coup d’oeil en passant. Ce salon est mon préféré. Il m’arrive de venir m’y asseoir un moment quand je ne suis pas en service. (Il parut songeur et reprit.) Une alerte a été donnée et tout le personnel de surveillance du navire est à votre recherche.
    Une alerte ! Tout le personnel ! Tout de suite les grands mots. Celui-là, il est comme Béatrice, il exagère, pensa Sophie tout en se demandant où elle avait bien pu voir récemment ce visage. Elle était maintenant persuadée d’avoir croisé cet homme, mais où ? Impossible de s’en souvenir... Elle crut alors bon de faire de l’humour.
    — Me faire chercher par tout le personnel du navire ! J’espère quand même qu’ils n’ont pas fait venir l’armée de terre !
    L’officier hésita visiblement entre deux attitudes.
    — On ne prévient pas l’armée de terre quand on est sur un navire, expliqua-t-il calmement. On appelle les marins, et ça fait du monde. Et ce n’est pas tout le personnel qui vous cherche, mais seulement ceux chargés de la surveillance, comme je viens de vous le dire. Rien que pour les ponts, ils sont soixante-douze à courir après vous.
    Sophie se leva d’un bond :
    — Mais c’est ridicule !
    Elle était dans tous ses états. Elle qui se pensait libre, voilà qu’elle était la cible d’une traque frénétique. Des soutes aux ponts supérieurs, des hommes et des femmes inquiets s’affairaient à sa recherche. Qu’est-ce qui leur avait pris de faire tout ce raffut !
    — Ce n’est pas ridicule, reprit patiemment l’officier. Il aurait pu vous arriver quelque chose.
    — Mais que voulez-vous qu’il m’arrive ? Je me promenais, c’est tout. Il n’y a pas de quoi faire tout ce remue-ménage.
    Ce fut imperceptible mais l’officier se raidit. Sophie s’en aperçut et elle ouvrit la bouche pour bredouiller des excuses. Mais il ne lui en laissa pas le temps.
    — Personne ne fait du remue-ménage, mademoiselle.
    Sur le France, des ouvriers dans les soutes jusqu’au commandant à la timonerie, nous savons tous faire notre métier discrètement sans affoler personne. C’est même notre talent... Paraît-il.
    Pas le moindre signe de reproche sur son visage. Juste cette raideur soudaine et une légère tension dans la façon qu’il avait eue de prononcer les derniers mots : « Paraît-il », en les détachant de sa phrase. Sophie se redressa pour se donner une contenance, comme à chaque fois qu’elle se sentait prise en faute.
    — Je n’en doute pas, dit-elle, bien droite, comme si sa position physique allait l’aider à rétablir la situation. Veuillez m’excuser, je me suis mal exprimée. Mais je ne m’attendais pas à être la cause de tant de tracas.
    — Comprenez, ajouta l’officier, toujours méthodique, qu’il aurait été désastreux qu’une invitée disparaisse sans laisser de traces, surtout le premier jour de ce voyage. Une journaliste de surcroît ! Vos confrères disent déjà que vous auriez basculé dans l’océan à cause d’une défection. Un bastingage mal fixé, un dérapage. On met en cause le métal dont l’utilisation a tant fait causer sur ce navire. Dès demain, la défection serait devenue de la malveillance, on aurait cherché midi à quatorze heures et ça aurait fait la une dans l’actualité des deux côtés de l’Atlantique. Un de vos confrères a déjà téléphoné ce titre à sa rédaction : « Disparition sur le France ! ».
    Sophie prit la mesure des conséquences de sa banale promenade. Elle ne trouva rien à répondre.
    — L’état-major et tout l’équipage, continua l’officier, les hommes à terre sur les chantiers de Saint-Nazaire et du Havre se voyaient finalement faire une croix sur le travail accompli depuis tant d’années. Parce que toute la presse va parler du France pour son premier voyage et son arrivée à New York. Le monde entier aura les yeux tournés vers lui. Il aurait été ennuyeux que vous lui voliez la vedette.
    De plus en plus mal à l’aise, Sophie s’excusa encore du bout des lèvres. En son for intérieur, elle savait bien que l’officier n’avait pas tort... Combien d’événements importants avaient-ils été occultés par une anecdote imprévisible ?
    — Venez, dit-il brusquement. Ne les faisons plus attendre. Je vais vous raccompagner à votre cabine.
    — Mais, il faut avertir tout ce monde que je suis bien vivante.
    — Je m’en
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