Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne
Autoren: Donna Cross
Vom Netzwerk:
blasphème
lorsqu’il proféra cette déclaration.
    Pour ce qui est
du second argument de l’Église à l’encontre de Jeanne  – le fait qu’il ne
se soit pas déroulé assez de temps entre les pontificats de Léon IV et de
Benoît III pour qu’elle ait pu régner  –, nous le jugeons également
contestable. Le Liber pontificalis est notoirement imprécis en ce qui
concerne les dates d’élection et de mort des pontifes. Nombre d’entre elles
sont connues pour être purement fantaisistes. Étant donné le désir des
chroniqueurs contemporains de cacher cet épisode, il ne serait guère surprenant
que la date de la mort de Léon ait été retardée de 853 à 855  – Jeanne,
semble-t-il, régna deux ans  – pour laisser entendre que Benoît lui
succéda immédiatement [10] .
    L’Histoire
fournit de nombreux exemples de falsification délibérée des archives. Les
Bourbons, par exemple, faisaient commencer le règne de Louis XVIII le jour de
la mort de son frère Louis XVI, omettant purement et simplement la République,
le Consulat et l’Empire. Ils n’ont naturellement pas réussi à éradiquer la
présence de Napoléon de la conscience historique, tant son règne fut riche en
traces et documents de toute nature. Au neuvième siècle, en revanche, éliminer
Jeanne des archives fut une tâche autrement plus facile.
    Plusieurs preuves
matérielles jettent un voile de doute sur l’affirmation selon laquelle il n’y
eut jamais de papesse. Ainsi l’examen dit « de la chaise percée »,
qui fit partie de la cérémonie du sacre médiéval des papes pendant près de six
cents ans. Chaque pape fraîchement élu, après Jeanne, dut s’asseoir sur la sella stercoraria, chaise percée, par le trou de laquelle un diacre
examinait ses parties génitales afin de s’assurer de sa virilité. Une fois cet
examen terminé, le diacre déclarait solennellement à l’assemblée : « Mas
nobis nominus est » — c’est-à-dire « notre nominé est un homme ».
Ensuite seulement, on confiait au nouveau pontife les clés de Saint-Pierre.
Cette cérémonie se perpétua jusqu’au seizième siècle. Alexandre Borgia lui-même
dut s’y soumettre, bien qu’au temps de son élection il eût déjà donné quatre
fils à sa femme, ce dont il n’hésitait pas à s’enorgueillir !
    L’Église
catholique ne va pas jusqu’à nier l’existence de la chaise percée, qu’on peut
voir à Rome aujourd’hui encore. Personne ne songe davantage à nier qu’elle ait
servi pendant des siècles lors de la cérémonie du sacre. Mais d’aucuns avancent
que ce siège fut uniquement utilisé pour sa noble et imposante apparence. À les
en croire, le fait que son fond soit percé est un détail absolument insignifiant.
Le nom de sella stercoraria (littéralement « chaise à fange »)
viendrait selon eux des paroles prononcées par le pape pendant qu’il trônait
dessus : « Suscitans de pulvere egenem, et de stercore erigens
pauperem ut sedeat cum principibus... », c’est-à-dire : [Dieu] « arrache
les nécessiteux à la poussière et les pauvres à la fange pour les asseoir avec
les princes ».
    L’argument semble
plus que douteux. À l’évidence, ce siège a jadis servi de fauteuil d’aisances,
voire d’outil obstétrical. Est-il plausible qu’un objet de destination aussi évidemment
scabreuse ait été utilisé comme trône pontifical sans une excellente raison ?
Et si l’examen de la chaise percée est une fiction, comment expliquer les
innombrables fables et chansons à ce sujet qui ont circulé au sein du peuple
romain pendant des siècles ? La Rome médiévale était, malgré l’ignorance
et la superstition, une communauté étroitement soudée : le bas peuple
vivait à quelques mètres du palais des papes. Bien des gens avaient un frère, un
père, un fils ou un cousin prélat, habilité à assister aux sacres et à même de
connaître l’existence de la sella stercoraria. Il existe d’ailleurs un
témoignage de première main à ce sujet. En 1404, le Gallois Adam d’Usk se
rendit à Rome où il séjourna deux ans, consignant ses observations dans son
journal. Sa description détaillée du couronnement du pape Innocent VII inclut l’examen
de la chaise percée.
    La « rue
évitée » nous parait fournir un autre élément de preuve fort intéressant.
Le Latran, résidence du pape et cathédrale épiscopale (aujourd’hui Saint-Jean
de Latran), étant situé à l’opposé de la
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher