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La nièce de Hitler

La nièce de Hitler

Titel: La nièce de Hitler
Autoren: Ron Hansen
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bouquins. Voulez-vous que je reste avec vous ?
    — Ça va aller, répondit Angela, et Frau
Popp entreprit de descendre en crabe l’escalier aussi escarpé qu’une falaise.
    L’appartement était meublé d’un lit de plumes,
d’un sofa couleur lavande, d’une lampe à pétrole, d’une chaise à barreaux et d’une
table, sans oublier deux oléographies symétriques représentant un schnauzer et
un basset. Geli, que sa mère avait installée sur le sofa, se mit à balancer ses
jambes et à se défaire de ses souliers délacés tandis qu’Angela cherchait de
quoi manger. Elle ne trouva qu’une boîte de biscuits anglais presque vide et
quatre dragées au chocolat. Elle donna un biscuit à Geli, puis se dirigea vers
la table où s’élevait une pile de livres empruntés à la Bayerische
Staatsbibliothek. Elle prit un ouvrage intitulé Das Kapital et le
feuilleta en craignant le pire, mais fut soulagée de ne pas y trouver l’écriture
de fou de son demi-frère. Elle commença à lire le premier chapitre, qu’elle
trouva difficile, et entendit la porte s’ouvrir.
    Angela se retourna et essaya de voir Adolf
dans l’Artiste maigre et famélique qui se tenait devant elle, un mètre
soixante-dix et pas plus de soixante kilos, portant l’injustice sur son visage
d’un blanc laiteux, et la main toujours posée de façon théâtrale sur la poignée
de la porte, comme s’il allait la claquer. Ses cheveux, assez propres mais qu’il
ne faisait pas couper, tombaient en avalanche sur son col vert effiloché, sa
première tentative de barbe ressemblait à un crayonnage d’enfant sur le visage
d’une affiche, et ses vêtements de récupération étaient aussi bizarrement
assortis que ceux d’un clown : chaussures montantes aux lacets cassés, gilet
jaune d’or sous un costume violet trop serré et trop court de manches, chemise
verte, cravate rouge sang.
    Apparemment, la propriétaire avait prévenu
Hitler de la visite de sa famille, car il ne fit que lancer un regard rapide à
la petite fille sur le sofa, puis un œil courroucé vers le livre qu’Angela
avait à la main quand il entra.
    — Je me suis immergé dans une doctrine de
destruction appelée marxisme, dit-il.
    — C’est de la politique ? demanda
Angela.
    — C’est de tout. Économie, politique, culture.
Un fléau mondial.
    Angela regarda le livre en dessous, Le
Livre des psaumes allemands : le livre de prières des ariosophes, des
mystiques de la race et des antisémites, de Jörg Lanz von Liebenfels. Et
encore au-dessous, un livre de Berthold Otto, L’État futur en tant que
monarchie socialiste. Dans sa tête, elle entendit son mari, et ne put s’empêcher
de demander :
    — Et c’est avec toute cette lecture que
tu comptes gagner ta vie ?
    — Chère Frau Raubal, répondit Adolf avec
un sourire factice, qui peut dire avec certitude ce qui lui sera utile ou pas
dans la vie ?
    Geli tripotait son lacet, et n’osait pas
regarder son oncle. Celui-ci s’assit gaiement près d’elle, et lui secoua le
genou.
    — Alors, Angelika, tu es une très grande
fille, à présent !
    Très sérieusement, Geli leva la main droite, les
cinq doigts écartés.
    — J’ai tout ça.
    — Tout ça ! Moi, j’ai tous mes
doigts des mains et des pieds, deux yeux, deux oreilles, mais pas de nez. Ça
fait combien ?
    Elle rit, mais haussa les épaules.
    — Vingt-quatre ans, répondit-il.
    Puis il croisa les jambes et, les mains
entrelacées sur son genou, il interrogea Geli comme il aurait interrogé une
serveuse de la Löwenbräukeller.
    — Et vous, Fräulein Raubal, qu’est-ce que
vous avez lu de bien ?
    — Je ne sais pas encore lire, répondit
Geli, pleine de regret.
    — Tu aimes Munich, Adolf ? demanda
Angela.
    — Et comment ! Et Schwabing est la
capitale des arts en Europe.
    Angela regarda son chevalet sur lequel trônait
une peinture inachevée du théâtre Cuvilliés. Par terre se trouvait une autre peinture,
assez belle quoiqu’un peu académique, représentant Saint-Michel, une église du XVI e siècle, où était enterrée la famille royale Wittelsbach.
    — Je ne suis pas tombé dans la piété, dit
Hitler. Mais les églises se vendent bien.
    Angela montra un dessin au crayon de la Hauptbahnhof à sa fille.
    — Tu connais ce bâtiment, Angelika ?
    Celle-ci secoua la tête.
    — Mais si ! Où es-tu descendue du
train ?
    — Ah, oui !
    Angela regarda une aquarelle de la tour
Sendlinger en fronçant les
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