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La nef des damnes

La nef des damnes

Titel: La nef des damnes
Autoren: Viviane Moore
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sentiment grandissant d’angoisse. Et pourtant, j’ai l’impression d’être planté au milieu d’une arène à attendre les lions... »
    Il était vrai que le ciel, chargé de teintes cuivrées et de nuées livides, n’avait rien de commun avec ce qu’il avait connu. Même pour lui qui n’était pas marin, les pires tempêtes de la Manche ou de l’Atlantique lui semblaient plus familières que les humeurs violentes ou maussades de la mer intérieure. Depuis qu’ils avaient franchi le détroit de Gibraltar, il avait tout à la fois le sentiment excitant de toucher au but et d’être dans un monde dont il ignorait les lois. Il fouillait en vain le brouillard quand il lui sembla percevoir un lointain écho. C’était un bruit régulier qu’il n’arrivait pas à définir et qui lui fît froncer les sourcils. Il allait chercher Hugues quand la voix de Bertil vint le distraire :
    — Messire Tancrède ! appelait le jeune garçon.
    — Eh bien, vous voilà en piteux état ! remarqua-t-il. Que voulez-vous ?
    — Voir sire Hugues.
    — Il est là, dit le jeune Normand en désignant son maître qui se relevait après avoir bandé le poignet d’un rameur.
    — Rien de cassé, les garçons ? demanda Hugues.
    — Moi non, messire, mais c’est lui, fit Bertil en désignant le Bigorneau, y s’est cogné le crâne. Faudrait que vous regardiez.
    Hugues se tourna vers le second mousse. Un filet de sang séchait dans ses cheveux clairsemés.
    — Montre-moi ça, le Bigorneau ! ordonna-t-il.
    Le gamin réalisa qu’on s’adressait à lui et esquissa un geste de recul.
    — Le Bigorneau a rien fait, protesta-t-il, ses yeux affolés roulant dans ses orbites.
    — Du calme, je veux juste examiner ta blessure. Tu sais que je suis ton ami.
    Comme à chaque fois, la voix douce de l’Oriental produisit son effet sur le garçon qui se laissa ausculter en marmonnant :
    — Ça oui, même que des fois, vous me donnez du pain.
    Le gamin avait toujours faim et se faisait souvent voler sa nourriture par les marins, qui le prenaient pour leur souffre-douleur.
    — Rien de grave, déclara Hugues au bout d’un moment. Le cuir n’est pas trop entaillé, je crois surtout que tu as eu très peur, n’est-ce pas ?
    — Pour ça oui ! approuva le gamin.
    Un pas retentit derrière eux.
    — Tout va bien, messires ? demanda la voix du capitaine Corato.
    — Aussi bien que possible, répondit Hugues. Vous n’avez pas d’autres blessés ?
    — Non, messire, ni, autant que j’ai pu en juger, de dégâts matériels sérieux. Neptune et la Madone sont avec nous.
    Et Corato, comme à son habitude, embrassa les amulettes qu’il portait au cou. Byzantin d’origine, l’homme était bon marin mais de nature inquiète. De plus petite taille que la plupart de ses hommes, il passait son temps à aboyer pour se faire respecter.
    — Les mousses, vous rêvez ? reprit-il aussitôt d’un ton sévère. Nettoyez-moi tout ça, et vite !
    Les gamins, qui étaient restés plantés près de Tancrède, sursautèrent et filèrent vers le placard où ils rangeaient seaux et balais. Le jeune Normand n’entendait plus le bruit qui l’avait alerté. Au-dessus d’eux, la trouée de ciel bleu allait en s’élargissant. Il se moqua de lui-même et de ses inquiétudes.
    — Vous autres, on lève l’ancre, et on remet la toile ! gueula Corato en repartant de sa démarche nerveuse, allant d’un rameur à l’autre, donnant des consignes, vérifiant les cordages qui arrimaient ballots de marchandises et barriques.
    Les paumes sur le plat-bord, Hugues avait rejoint Tancrède. Alors qu’ils fixaient sans mot dire la mer devant l’étrave, une ligne sombre perça la brume, disparut, puis se précisa.
    — Des rochers... Non... Des falaises ! s’exclama le jeune homme. La côte !
    Au même moment retentit le cri de la vigie.
    — Terre ! Terre !
    — L’al-Andalus ! fit l’Oriental. Je ne vois plus Al-Meriya. Peut-être approchons-nous de Carthagène ? Malheureusement, je connais mieux les côtes de l’Afrique que celles-ci.
    Il observa la wirewire, la girouette au sommet du mât.
    — Le simoun rentre dans les terres et la brise est pour nous.
    — Croyez-vous que l’esnèque s’en soit sortie ? demanda Tancrède.
    — Je l’espère, c’est un bon bateau et un excellent équipage. Mais il est possible qu’ils soient encore pris dans la queue de la tempête.
    — Et ces nuées qui avancent derrière nous ?
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