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La nef des damnes

La nef des damnes

Titel: La nef des damnes
Autoren: Viviane Moore
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ris, les gars ! lança le capitaine.
    Les marins se précipitèrent à leurs postes et nouèrent les garcettes, les filins permettant de réduire la toile. Le paro ralentit son allure. Le choc des vagues sur la coque et les cris des oiseaux de mer se firent plus présents.
    Une fois le capitaine retourné à son poste, le pirate reprit son observation. Il restait immobile et, malgré les reflets incandescents du soleil, ne cillait pas. Depuis que la chasse avait commencé, il ne dormait plus guère et mangeait fort peu, échafaudant dans sa tête les supplices qu’il allait infliger aux Normands.
    — Que faisons-nous, Rohard ? Tu as donné l’ordre de ralentir ?
    — Tu le vois bien, répondit l’autre sans regarder celui qui avait pris pied à ses côtés.
    Grand et maigre comme le Diable, le crâne rasé, le frère de Rohard n’avait jamais eu son intelligence ni sa férocité. Aîné de neuf garçons, il avait, ainsi que ses autres frères, subi la domination de son cadet tout en l’acceptant difficilement. Aussi, parfois, comme en cet instant, il ne pouvait s’empêcher de se rebeller.
    — Pourquoi attendre davantage ? Nous les rattrapions !
    Mais comment tenir tête face à celui qui, à dix ans, avait tranché la gorge de leur père ? Un chef-né qui, non content d’exiger l’allégeance de ses frères, s’était pris à rêver de pouvoir et de richesse. Né à Mornac, sur les bords de la Seudre, dans un pays où la seule chose que les gens avaient en partage était une terrible misère, il n’avait eu aucun mal à recruter des hommes. À seize ans, il était le chef incontesté d’une redoutable bande de pillards et de naufrageurs. Les soirs de tempête, ils allumaient des feux pour attirer les bateaux sur les récifs. Ensuite, il n’y avait plus qu’à achever les survivants et à récupérer la marchandise. Pourtant, les tempêtes n’étaient pas si fréquentes, trop de navires réussissaient à leur échapper et la marchandise était souvent difficile à écouler.
    Rohard avait donc décidé de devenir pirate et le jour où, dans le port de Bordeaux, il avait repéré le paro escortant un navire marchand, il avait su qu’il avait trouvé son bateau. Restait à se l’approprier.
    Les feux trompeurs avaient fait une fois de plus leur ouvrage : la galère s’était fracassée sur les rochers, le paro en avait réchappé de justesse, mais pas ses hommes que les naufrageurs avaient massacrés, n’épargnant que le capitaine et le pilote.
    Quelques mois plus tard, le Diable écumait la Gironde. Il avait dix-neuf ans, mais en paraissait dix de plus. Rapidement, il avait poussé ses expéditions tout au long de la côte atlantique, allant même jusqu’à remonter vers l’Angleterre. Les années passant, sa réputation de cruauté avait fait le tour des ports et l’on murmurait son nom avec horreur. Sur la requête de nombreux marchands et armateurs, la reine Aliénor d’Aquitaine elle-même avait envoyé un navire de guerre à sa poursuite, mais le paro vert pâle n’était jamais là où on l’attendait. Les soldats de la reine étaient revenus bredouilles et les pirates avaient continué à rançonner et à tuer.
    Cependant, Rohard rêvait d’autre chose, un royaume sur une île lointaine, une couronne, un trésor, un vrai : d’argent et de pierreries...
    Moyennant finances, un noble de la cour d’Henri II Plantagenêt lui avait confié ce que peu de barons savaient, même au palais de Caen : un knörr chargé de marchandises et une esnèque royale transportant trois coffres destinés au roi Guillaume I er de Sicile devaient lever l’ancre de la rade de Barfleur.
    Le trésor que Rohard désirait tant était donc à portée de main et il avait décidé de s’en emparer, élaborant pour cela un plan minutieux, allant même jusqu’à placer l’un de ses frères parmi les passagers.
    Pourtant, rien ne s’était passé comme il l’avait prévu. L’équipage de l’esnèque était composé de marins, mais aussi d’une élite de combat : les guerriers fauves. Le pilote, un Breton surnommé Pique la Lune, était aussi habile que le sien. Et pour l’heure, non seulement ils n’avaient pas réussi à s’approprier le trésor, mais ils avaient perdu plusieurs des leurs et avaient dû franchir le détroit de Gibraltar à la poursuite de cette proie qui les narguait toujours.
    — Finissons-en une fois pour toutes, insista Costans. Envoyons-les par le fond et rentrons chez
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