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La nef des damnes

La nef des damnes

Titel: La nef des damnes
Autoren: Viviane Moore
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ceinture, Bjorn de Karetot, courbé sur le gouvernail, s’efforçait de maintenir l’étrave droit au vent. Tancrède entendit le hululement lugubre du chien d’Eleonor, puis plus rien. D’un coup, les piqûres cessèrent et le silence revint. Il y eut un choc brusque.
    Corato avait jeté l’ancre qui se dévida bruyamment avant de crocher le fond. Le navire évita, tournant un moment autour de son attache avant de s’immobiliser.
    Toussant et crachant, Tancrède redressa sa haute i taille. Ses yeux étaient si irrités, sa vision si trouble que tout d’abord il douta de ce qu’il voyait.
    Le navire était rouge. Rouges le pont, les ballots et les tonneaux de marchandises, les silhouettes courbées des rameurs, la voile pliée. Une couche de sable recouvrait toutes choses. La tempête n’était plus sur eux. Elle s’était évanouie avec la rapidité d’un cauchemar qui se dissipe. Le monstre devait maintenant toucher l’Andalousie dont il teignait les rivages de pourpre. Juste au-dessus du navire, une large trouée bleue était apparue dans le ciel. Un soleil éclatant les inonda, faisant briller la mer d’un éclat particulier. La côte africaine se dissimulait toujours, noyée par un épais manteau de brume. Les vagues s’étaient apaisées. On n’entendait plus que le bruit du clapot contre la coque, le souffle léger du vent et le murmure étouffé des voix. Ils étaient comme ces nageurs qui, après avoir franchi une haute vague, en contemplent le dos, à la fois victorieux et épuisés.
    Tancrède fit face à Hugues qui avait défait ses liens et secouait ses vêtements.
    — Le danger... est passé ? articula-t-il en se frottant les yeux.
    — Oui, répondit Hugues avant de partir d’une violente quinte.
    Autour d’eux, les marins se levaient enfin, ils se tournaient les uns vers les autres, se tapant sur l’épaule, incapables encore de parler, mais se réjouissant d’avoir échappé à la mort.
    Au bout d’un moment, la voix rauque, l’Oriental demanda :
    — Rien de cassé ?
    — Non, réussit à répondre le jeune homme, qui avait l’impression d’avoir avalé une pleine cruche de sable. Qu’est-ce que c’était ?
    — Quelque chose d’inhabituel en cette saison de l’année. Le vent du désert, le simoun. En été, il traverse la mer intérieure et remonte jusqu’en Aquitaine et même au-delà. Nous avons eu la chance de ne pas être près de la côte. Nous aurions été drossés sur les rochers. Allons voir s’il n’y a pas de blessés !
    Du dortoir proche sortaient les passagers. Ils étaient méconnaissables tant leurs vêtements et leurs cheveux étaient couverts de poussière. Dreu soutenait Afflavius, qui s’affala par terre en gémissant. Eleonor, escortée de son chien gris aux allures de loup, força son serviteur à s’asseoir, lui parlant comme à un enfant.
    — C’est fini, Gautier, c’est fini ! Tout va bien, nous sommes saufs. La mer s’est calmée.
    — J’aime pas la mer, ni les bateaux, répétait le vieux qui se balançait d’avant en arrière. J’veux rentrer chez nous, dans notre château de Fierville.
    Eleonor se redressa en soupirant, époussetant ses braies et sa chainse de toile, se félicitant une fois de plus d’avoir adopté une tenue cavalière plutôt qu’une longue robe.
    — Il n’est plus temps de faire demi-tour, dit-elle.
    Le vieux poussa un gémissement à fendre l’âme.
    — Tu es blessé, l’ami ? lui demanda Tancrède qui s’était approché.
    Une autre plainte retentit, plus sonore encore.
    — Ne vous inquiétez pas, Tancrède ! fit la damoiselle de Fierville. Je crois surtout qu’il a eu peur. Je m’en veux tellement de l’avoir entraîné dans cette aventure !
    — Je ne pense pas que vous ayez eu le choix, damoiselle, et puis c’était son devoir de vous accompagner, répliqua le Normand qui n’aimait guère ce serviteur dont le seul souci était de se soûler du matin au soir plutôt que de protéger sa jeune et jolie maîtresse.
    Eleonor acquiesça, mais Tancrède eut l’impression qu’elle s’adressait à elle-même plutôt qu’à lui.
    — Il est vrai que je ne pouvais voyager seule vers la Sicile. Mais pourquoi suis-je partie pour épouser cet inconnu ? Ce sire de Marsico que je vais peut-être détester ? Dans un pays si lointain et si différent de notre duché de Normandie que je n’arrive pas même à me l’imaginer. Non que je regrette. J’ai tant appris sur ce bateau à
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