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La mémoire des flammes

La mémoire des flammes

Titel: La mémoire des flammes
Autoren: Armand Cabasson
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l’exploiter.
    Joseph laissa Margont méditer un instant ces dernières paroles.
    — Le meurtrier croit être dissimulé dans l’anonymat des multiples organisations monarchistes : les Chevaliers de la Foi, la Congrégation, l’Aa, les Sociétés du coeur de Jésus... Or il sous-estime l’efficacité de nos services de police, car nous avons un informateur dans un groupe, les Épées du Roi. Cet homme, Charles de Varencourt, est issu de la noblesse normande. Il s’est mêlé à ces conspirateurs par conviction politique, mais il a un point faible, un vice : le jeu. C’est un joueur invétéré, donc un perdant perpétuel. Voici quelques semaines, il s’est mis à nous monnayer ses renseignements.
    Ce genre de personnage irritait l’idéaliste qu’était Margont.
    — Je vois... intervint-il. Quand il n’a plus eu de pièces, il a misé ses compagnons.
    — Très juste. Nous n’avons pas encore procédé à leur arrestation pour trois raisons. La première : dans ce genre d’affaires, nous évitons la précipitation. Plus on attend, plus on accumule les renseignements, plus on identifie de membres du groupe. À ce jour, nous n’avons pas encore réussi à localiser les lieux de résidence de tous les meneurs. La deuxième : ces conspirateurs ont du mal à se mettre d’accord sur les actions qu’ils veulent mener, si bien qu’ils ne représentent pas un danger immédiat. La troisième : grâce à eux, nous pourrions bien réussir à capturer un gibier de tout premier ordre, le comte Boris Kevlokine. Mais je vous en dirai plus là-dessus tout à l’heure. Charles de Varencourt, donc, nous a fourni des informations. Certains des comploteurs envisagent de mener une campagne d’assassinats visant des membres clés de la défense de Paris.
    Quoique Joseph tentât de le dissimuler, sa voix s’était mise à vibrer. Il avait peur. Croyait-il que l’on tenterait de s’en prendre à lui ? Margont s’abstint de le rassurer en lui précisant qu’il n’était pas dans l’intérêt de leurs ennemis d’éliminer un incapable pareil. De toute façon, la sécurité des hauts personnages était remarquablement bien assurée. Joseph se racla la gorge et tenta une nouvelle fois de maîtriser son trouble, ce qui ne fit que laisser transparaître plus encore son inquiétude.
    — Le colonel Berle était sur la liste des personnes qu’ils projettent d’assassiner. J’avais fait renforcer les mesures de protection. Discrètement, afin de ne pas révéler à nos adversaires que nous en savions long sur eux ! Mais j’avoue que nous n’avions pas prévu ce qui s’est passé. Les royalistes en faveur de l’utilisation du meurtre sont minoritaires chez les Épées du Roi. Leur projet est toujours débattu, mais il a pour l’instant été écarté. D’autres membres projettent de fomenter un soulèvement populaire. Il y a ceux qui souhaitent imprimer des affiches et ceux qui veulent des fusils, ceux qui comptent attendre que tout se fasse sans eux tout en ayant l’air d’avoir participé aux événements... Le groupe s’est renseigné sur les victimes potentielles. Domicile, lieu de travail, trajets, manies, entourage, nombre de soldats en faction... L’assassin du colonel Berle était au courant de tout cela. Lorsqu’il a agi, quinze personnes se trouvaient sur les lieux ! Des sentinelles, le secrétaire particulier, deux valets, trois servantes, la cuisinière, la fille de cuisine, le cocher... Or cet homme s’est introduit par une fenêtre, il s’est déplacé dans la maison en dépit des va-et-vient et il a réussi à gagner le bureau au deuxième étage. C’est la preuve qu’il connaissait bien les habitudes de sa victime. Quant au symbole qu’il a laissé, il s’agit de l’emblème secret des Épées du Roi.
    Margont pensait à Paris. Quelques crimes pouvaient-ils réussir à déstabiliser la défense de la capitale ? Hélas oui. Et Talleyrand ? Le prince de Bénévent demeurait silencieux tout en ne perdant pas une miette de ce qui se disait ni des réactions des interlocuteurs. Margont était curieux d’entendre ce qu’il avait à dire.
    — Alors, major, que concluez-vous de ces premiers éléments ? demanda Joseph.
    — Rien, Votre Excellence.
    Le lieutenant général leva les yeux au ciel, puis sa tête bascula en arrière. Il fixa le plafond, les stucs qui composaient une ellipse élégante et le lustre monumental dont les bougies luttaient contre la grisaille
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