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La mémoire des flammes

La mémoire des flammes

Titel: La mémoire des flammes
Autoren: Armand Cabasson
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bel et bien, nous n’avons pas choisi ce nom au hasard. Elle appartenait à la noblesse languedocienne et elle a été massacrée durant la Révolution, vous lirez son histoire dans les documents que nous vous fournirons. Donc si les Épées du Roi envoient l’un des leurs enquêter sur votre passé, il trouvera effectivement des traces : un nom par-ci par-là, un château incendié dont il ne reste rien... Et avant qu’il ait fait les trois cents lieues aller-retour... Vous êtes officier ? Des dizaines de milliers d’aristocrates qui avaient émigré sont revenus en France pour bénéficier des amnisties généreusement accordées par l’Empereur. Un bon nombre d’entre eux ont choisi la carrière militaire. Il n’y aura que peu de mensonges à ajouter à votre propre histoire pour faire de vous un bon royaliste et, moins vous mentirez, plus vous serez crédible.
    — Je serai démasqué et on me retrouvera dans la Seine ! Vous possédez déjà un informateur...
    — Nous n’avons aucune confiance en ce Varencourt. Il nous faut un homme loyal. L’affaire est devenue de première importance, on ne peut pas s’en remettre à un mercenaire.
    — Quand il aura perdu votre argent sur les tables de jeu, c’est ma vie qu’il misera ! Il a monnayé ses amis, il se rachètera à leurs yeux en me dénonçant, puis il vous vendra les noms de ceux qui m’auront poignardé !
    Joseph haussa le ton, gesticula, rougit... Il ressemblait à un verre qui, agité par une main en colère, déborde de vin rouge.
    — Taisez-vous ! Ce sont mes ordres ! Croyez-vous que quiconque ici se soucie de votre avis ? Continuez et je vous envoie galoper dans les pattes des cosaques ! Silence !
    Sur le bureau était amassé un fatras de papiers, de livres et d’objets. Il poussa le tout des deux mains en direction de Margont.
    — Voilà tout ce qu’il vous faut : la biographie du chevalier Quentin de Langés, un passeport en règle stipulant que vous êtes revenu en France en 1802 pour bénéficier de l’amnistie du 6 floréal an X, une chevalière aux armoiries des Langés – que vous ne porterez pas, mais garderez chez vous –, la clé de votre logement, un peu d’argent, des fausses lettres de votre ancienne maîtresse qui est restée en Écosse, des ouvrages décrivant Édimbourg où vous avez vécu dans la misère, ce qui a fini par vous contraindre à rentrer, quelques précisions sur les régiments dans lesquels vous avez servi – le 18 e et le 84 e , que vous connaissez bien –, une liste d’expressions chéries par les royalistes, un résumé des renseignements que nous a fournis Charles de Varencourt... Apprenez tout par coeur, puis détruisez ce qui doit disparaître.
    — Votre Excellence, pourquoi n’employez-vous pas vos propres agents ? Eux ont l’habitude de ce genre de prouesses.
    — C’est trop risqué. Paris est devenu le rendez-vous des comploteurs et des traîtres. Je ne me fais aucune illusion : du fait de nos difficultés, des fonctionnaires impériaux, des militaires et des dignitaires nous trahissent. Je suis persuadé que les noms d’un grand nombre de nos agents ont été divulgués à nos adversaires. Il nous faut du sang neuf !
    — Quitte à le faire couler, ce sang neuf...
    — Cela suffit !
    Mais Talleyrand, au contraire, acquiesça avec jovialité.
    — Bien ! De la repartie ! Un conseil : comportez-vous de la sorte avec les Épées du Roi. Soyez fier, arrogant ! De la morgue aristocratique et vous sonnerez vrai !
    — Oui, c’est très juste... approuva aussitôt Joseph.
    Margont tentait de voir où Talleyrand glissait sa main pour manipuler cette marionnette. Joseph continua comme si de rien n’était, si habitué à ses contradictions qu’il ne les voyait plus.
    — La Police générale va mener une enquête. Elle ignorera votre existence, car il y a des fuites de leur côté. Elle me transmettra ses rapports, dont je ferai parvenir les copies à un homme de confiance que vous choisirez vous-même pour vous seconder. Celui-ci les lira avant de les brûler.
    — Qu’il pense à manger les cendres... plaisanta Talleyrand.
    — Puis il vous informera oralement de la teneur de ces documents. Je vous déconseille vivement de manipuler vous-mêmes ces écrits ! Procédez comme je viens de vous le dire. Votre homme se fera connaître de ma police en se présentant au 9, rue de la Fraternité, sous le nom de « M. Gage ». Il demandera à parler à
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