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La mémoire des flammes

La mémoire des flammes

Titel: La mémoire des flammes
Autoren: Armand Cabasson
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Saxons, Hanovriens, Bavarois... ― répartis en trois armées : l’armée de Bohême, l’armée de Silésie et l’armée du Nord (dont une partie opérait en Belgique et en Hollande). Sans parler des soixante-cinq mille Anglo-Hispano-Portugais, dirigés d’une main de fer par Sa Grâce le duc de Wellington, qui venaient de s’emparer de Bordeaux et que le maréchal Soult essayait de contenir. Et encore fallait-il ajouter l’armée autrichienne d’Italie, qu’affrontait le prince Eugène de Beauharnais. Quelle chute ! Margont en avait le vertige.
    Pouvait-on encore espérer sauver les idéaux de la Révolution ? Napoléon allait peut-être y parvenir envers et contre tout, au vu des stupéfiantes victoires qu’il venait de remporter : le 10 février Champaubert sur les Russes d’Olsuviev, le 11 Montmirail sur les Russes de Sacken, le 12 Château-Thierry sur les Prussiens de York, le 14 Vauchamps sur les Prussiens et les Russes de l’infatigable Blücher, le 17 Mormant sur les Russes de Wittgenstein et Nangis sur les Austro-Bavarois de De Wrède et le 18 Montereau sur les Autrichiens, Hongrois et Wurtembergeois du pourtant rusé généralissime Schwarzenberg. Tous les pays qui s’étaient coalisés contre lui en étaient encore abasourdis.
    Détail étonnant, Joseph – que Margont, avec peut-être un peu trop de sévérité, jugeait incompétent – ressemblait physiquement à l’Empereur : visage rond et empâté, yeux bruns, front dégagé, cheveux noirs clairsemés... Il se croyait remarquablement intelligent, telle la médiocre copie d’un tableau célèbre qui se prend pour l’original.
    Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, prince de Bénévent, surnommé le « diable boiteux », en était en tout point l’opposé, tant par ses qualités que par ses défauts. Brillant, perspicace, spirituel, manipulateur, séducteur, affable, obséquieux, faux, hypocrite, imprévisible, il possédait le sens de la formule. À propos du résultat cataclysmique de la campagne de Russie, la rumeur murmurait qu’il avait osé dire : « C’est le début de la fin. » L’Empereur le soupçonnait de l’avoir trahi à plusieurs reprises et de tramer maintenant le retour des Bourbons. Leurs rapports étaient si conflictuels que Napoléon l’avait un jour traité de « merde dans un bas de soie ».
    Mais Talleyrand savait se rendre indispensable. Haut dignitaire, il participait aux manoeuvres diplomatiques, officiellement ou non. Margont le considérait comme une girouette astucieuse qui anticipait les changements de vent. Cependant, il n’était pas exclu que cet homme retors aimât son pays, à sa manière. Peut-être essayait-il sincèrement d’aider la France et non pas seulement sa propre personne, mais avec l’arrogance de celui qui croit être le seul à savoir ce qu’il convient de faire.
    La soixantaine, en perruque poudrée, il observait Margont avec une pénétration qui contredisait sa posture avachie et ses airs de Mathusalem à l’agonie.
    — Repos ! s’exclama Joseph. Major Margont, nous vous avons convoqué, car nous avons besoin de vous pour une mission délicate.
    Il parlait sans regarder son interlocuteur, étudiant des documents étalés sur son bureau. Margont se doutait que ces papiers en disaient long sur lui et il refrénait l’envie de s’en saisir promptement pour les jeter dans le feu qui tentait de chauffer cette pièce trop grande.
    — Son Altesse le prince Eugène vous avait chargé d’une enquête confidentielle durant la campagne de Russie. Cela, vous le savez. En revanche, vous ignorez peut-être ses commentaires à votre sujet. Éloges et louanges !
    Il brandit une feuille devant ses yeux et la parcourut.
    — Vous êtes, je cite, « un homme admirable »...
    Il dut s’interrompre, car Talleyrand venait d’émettre un petit rire. Le prince de Bénévent ne croyait plus depuis longtemps à l’admirable, ni même en l’homme, d’ailleurs...
    — Vous vous êtes acquitté de votre tâche avec brio, et cetera, et cetera, et cetera. Au vu de ces appréciations et de votre biographie, M. de Talleyrand et moi-même estimons que vous êtes l’homme qu’il nous faut.
    Margont était un républicain convaincu. À l’heure où Paris risquait d’être menacé, il désirait aider à protéger la capitale et non pas du tout être « l’homme qu’il fallait », quelle que fût l’affaire qu’allait exposer Joseph. Ce dernier se cala dans son
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