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La mémoire des flammes

La mémoire des flammes

Titel: La mémoire des flammes
Autoren: Armand Cabasson
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fauteuil et le fixa.
    — Hier soir, le colonel Berle a été assassiné chez lui, ici, à Paris. Nous avons des raisons de croire que ce crime a été commis par un ou des royalistes...
    — Mais il s’agit peut-être d’une fausse piste, intervint aussitôt Talleyrand.
    — Ce colonel du génie avait plus de soixante ans, mais, au vu de la situation, il avait accepté de reprendre du service. Il faisait partie des officiers que j’avais chargés de réfléchir aux moyens d’améliorer les défenses de Paris. Nous nous préparons au pire par principe, mais, bien évidemment, l’ennemi n’arrivera jamais jusqu’ici !
    — Il y est déjà, Votre Excellence... objecta Margont.
    — Insolent ! Encore un révolutionnaire qui croit à la liberté d’expression ! Et il ose m’appeler « Votre Excellence » et non « Votre Majesté » ! Je suis roi d’Espagne !
    Il ne restait plus de l’« Espagne impériale » que Barcelone et une partie de la Catalogne. La couronne de Joseph, il n’y avait plus que ce dernier à la voir. Margont se força à se modérer. Sa franchise et son amour des reparties cinglantes lui avaient déjà valu des ennuis par le passé. Mais les termes de « Votre Altesse » ou de « Votre Majesté » se coinçaient dans sa gorge. Il offrait un visage impassible. En revanche, son esprit tempêtait. Cela faisait des mois que l’on aurait dû commencer à renforcer la capitale ! Or on n’avait pas construit un seul retranchement, pas creusé un fossé ! Personne n’avait défini de consignes en cas d’attaque ! Une inaction pareille était criminelle. Joseph craignait-il d’inquiéter la population ? Trouvait-il plus judicieuse la tactique de l’autruche ? Le lieutenant général marqua une pause, trahissant une dernière hésitation à confier cette enquête à Margont. Puis il se lança :
    — Le dossier que nous avons sur vous en dit long à ce sujet, major, reprit Joseph. Mais tant mieux. Rien de tel qu’un républicain pour chasser du royaliste ! La victime a été torturée. On a certainement voulu l’obliger à révéler des secrets. J’ignore si ce pauvre Berle a parlé... Il devait me formuler des propositions pour transformer la butte Montmartre en une redoute inexpugnable garnie de canons de gros calibre, pour protéger les accès de Paris... Il travaillait également sur les plans de retranchements qui protégeraient les débouchés des faubourgs, sur la question des ponts : comment les fortifier, les doter d’estacades...
    Margont sentait quelque chose remuer en lui. Montmartre, les ponts... Bien sûr, il fallait faire tout cela pour protéger les Parisiens. Mais imaginer ces lieux qu’il appréciait se couvrant de retranchements et d’artillerie le troublait.
    — L’assassin a laissé un emblème royaliste. Une cocarde blanche avec en son centre une médaille ornée d’un symbole héraldique : une fleur de lys en fer de lance côtoyant une épée. Elle était épinglée à la chemise du colonel. Il a également subtilisé des documents. Heureusement, la plupart de ceux-ci étaient codés, conformément à mes instructions. Notre hypothèse est qu’un petit groupe de royalistes a décidé de mener des actions pour déstabiliser la défense de Paris.
    Les comploteurs royalistes ! Tout le monde parlait d’eux. On en imaginait des dizaines de milliers là où il ne devait y en avoir que quelques milliers disséminés dans des myriades d’organisations. Depuis les défaites impériales catastrophiques de 1812 et de fin 1813, ils avaient recouvré leur crédibilité et leur énergie. Ils s’agitaient d’autant plus qu’ils n’avaient qu’une peur : que Napoléon parvienne à un compromis avec les Alliés et conserve son trône. Partisans de la guerre à outrance contre l’Empereur, certains d’entre eux étaient favorables à l’utilisation de moyens extrêmes : meurtres et rébellions.
    — Nous pensons que l’assassin a laissé ce symbole pour créer un climat de peur. Nos ennemis de l’intérieur ne sont qu’une poignée. Ils veulent paraître plus nombreux et plus dangereux qu’ils ne le sont en réalité. Ne jouons pas leur jeu ! J’exige que ce détail demeure secret. Ni le domestique qui a découvert le corps du colonel ni vous ne devez ébruiter cet aspect de l’affaire. Quant à la Police générale, elle ne sera même pas au courant. Il se trouve que nous possédons un avantage et c’est vous qui allez
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