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La mémoire des flammes

La mémoire des flammes

Titel: La mémoire des flammes
Autoren: Armand Cabasson
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française... Constatant que le général de brigade ne tenait pas compte de ses avis, il décréta que celui-ci était un « fieffé incompétent, ce qui est fréquent chez les imbéciles », et s’adressa directement au général de division Duhesme. Ce dernier se retrouva rapidement acculé : s’il gardait Saber, la totalité de ses autres colonels et généraux de brigade demanderaient leur mutation ! C’était soit l’un, soit tous les autres...
    Duhesme se débarrassa de Saber – qui était persuadé de l’emporter... – en l’expédiant dans la garde nationale de Paris, sous le prétexte on ne peut plus mensonger qu’il savait bien former les hommes. Le maréchal Moncey, qui commandait en second la garde nationale et réclamait à cor et à cri des officiers expérimentés pour encadrer ces multitudes de miliciens, accepta avec joie. Saber n’avait commandé son régiment que trente-cinq jours... Le général Duhesme, sans faire de distinctions, traita de la même manière les amis que Saber avait amenés avec lui...
    Margont voulut traverser cette foule désorganisée, mais il fit l’effet d’une aiguille piquant une bulle de confusion. Des visages l’encerclèrent. Des nouvelles ! Tous voulaient des nouvelles tandis que lui cherchait de l’air.
    — Je ne sais rien de nouveau ! clamait-il.
    Les gardes s’obstinaient. Mais si, il avait forcément obtenu des informations puisqu’il était... En fait, qu’était-il exactement ? Deux épaulettes de colonel, mais, étrangement, des fils argentés se mêlaient aux dorés. Même bizarrerie avec son shako : deux galons à son sommet, l’un large et doré, mais le second, fin et argenté. Et son plumet ? Dans l’infanterie de ligne, celui d’un colonel était blanc, celui d’un chef de bataillon rouge. Le sien était mi-rouge mi-blanc. Ce devait être un « demi-colonel », ou un « chef des chefs de bataillon »...
    — Faites place pour le major ! s’époumona un capitaine.
    « Major » ? Mais qu’est-ce que c’était que ça ? À quoi cela servait-il ?
    Margont fit signe à Lefine, qui expliquait aux recrues le fonctionnement du fusil modèle 1777 modifié en l’an IX, et l’entraîna à sa suite pour aller voir
    Saber. La mort dans l’âme, les gardes nationaux les regardèrent s’éloigner. Où était l’Empereur ? Gagnait-on cette guerre ou était-on en train de la perdre ?
    Noyé dans son bureau aux allures de bibliothèque bombardée, le colonel Saber griffonnait un courrier tout en en dictant deux autres à ses officiers adjoints. Quoiqu’il fût toujours ami avec Margont, Lefine et Piquebois, son attitude vis-à-vis d’eux s’était modifiée depuis son ascension fulgurante. Il faut dire qu’il était si souvent occupé à critiquer ceux qui étaient plus haut placés que lui qu’il n’avait plus guère le temps de regarder vers le bas. On racontait que le maréchal Moncey, en lisant la première missive que lui avait adressée Saber, avait failli s’étouffer en avalant son café. Heureusement pour ce dernier, il n’y avait actuellement personne pour le remplacer. Saber rédigeait en ce moment même une dixième lettre adressée au maréchal. Margont ne pouvait pas discerner ce qu’il en était, mais l’écriture parlait d’elle-même : mots reliés les uns aux autres pour gagner du temps, papier martyrisé par une plume trop appuyée, longue liste d’alinéas...
    Saber tendit brusquement la feuille à l’un de ses officiers.
    — Rajoutez la formule de politesse !
    Il ne le faisait pas lui-même, car il était furieux contre le maréchal, qui n’appliquait pas ses innombrables propositions pour protéger Paris. Consciencieusement, le lieutenant Dejal entreprit d’imiter l’écriture de Saber. Il murmurait : « Je suis, avec le plus profond respect, de Monsieur le Maréchal le fidèle et dévoué... » Saber lui arracha la feuille des mains ; la plume traça involontairement un trait oblique et, de rage, vomit une perle noire sur le bois clair du bureau.
    — Vous perdez la raison ? Allez-vous également ajouter que je viendrai lui cirer les bottes ? Moins obséquieuse, la formule ! Récrivez toute la lettre ! Quelque chose comme : « Salutations de votre obligé », parce que je suis bien obligé de le saluer. Mais un peu plus enrobé : il est si susceptible !
    Il feignit de se remettre à dicter à son autre souffre-douleur, puis adressa enfin un regard à Margont et à
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