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La mémoire des flammes

La mémoire des flammes

Titel: La mémoire des flammes
Autoren: Armand Cabasson
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caserne, dans le quartier du Palais-Royal. La sentinelle en faction voulut lui présenter les armes, mais son fusil lui échappa des mains et atterrit dans la boue. « Soldat depuis hier, mort de demain », pensa Margont avec amertume.
    — Ce n’est rien ! lança-t-il. L’important, c’est d’apprendre à bien tirer.
    La garde nationale était l’héritière du vieux principe de la milice. Elle devait admettre dans ses rangs le plus de civils possible. Ces soldats avaient pour mission d’aider l’armée régulière à défendre le pays contre une invasion.
    Dans la cour, c’était la foire. Piquebois – qui venait de passer capitaine –, entouré de ses hommes, se faisait insulter par un officier des krakkus. Ce dernier s’était fait tirer dessus par un garde national qui l’avait pris pour un Russe et avait paniqué. Depuis la campagne de Russie, les puissants s’étaient mis en tête d’avoir leurs propres cosaques. Le roi de Prusse avait maintenant son escadron de cosaques de la Garde. Napoléon, lui, voulait « cosaquiser » les paysans français en les transformant en partisans sur les arrières de l’ennemi et il possédait ses krakkus polonais. Ces derniers ressemblaient à leurs homologues russes, excepté en ce qui concernait leur coiffe, un chapeau traditionnel, bombé et écarlate. Malheureusement, ce détail ne permettait pas de bien les distinguer des cosaques... Margont salua brièvement son ami qui présentait de plates excuses à l’officier polonais.
    Des gardes nationaux en habit-veste bleu et bicorne à cocarde bleu blanc rouge formaient une colonne approximative sous les hurlements de sergents. Des hommes en civil et en sabots les côtoyaient, qui, la veille encore, étaient journaliers, meuniers, cordonniers, charpentiers, perruquiers, chaudronniers, boutiquiers, étudiants, bateliers... Les combattants aguerris se trouvaient avec l’Empereur, quelque part près de Reims. Ne restaient à Paris que des milliers de miliciens, des blessés, des soldats incorporés la veille, des conscrits trop jeunes, des vétérans « trop âgés » qui reprenaient du service et quelques officiers pour transformer tout ce monde en armée. Plus les militaires que l’on avait sanctionnés en les mutant là... À cette pensée, Margont grinça des dents.
    Depuis 1798, il avait servi dans l’armée régulière. Et voilà qu’au lieu d’être avec la Grande Armée pour tenter d’empêcher la France de subir les abominations d’une invasion, il était là ! Grâce à son ami Saber, au véritable talent de stratège ! Lieutenant au début de la campagne de Russie, aujourd’hui, il était colonel ! Une telle promotion, obtenue en un temps dérisoire, du seul fait de ses mérites, était rare, mais pas rarissime. Capitaine lorsque la campagne d’Allemagne de 1813 avait commencé, il s’était distingué à plusieurs reprises. Chef de bataillon lors de la bataille de Dresde, il avait participé à l’attaque du 2 e corps du maréchal Victor contre la gauche autrichienne, entraînant son bataillon dans une charge folle, refoulant des nuées de chasseurs déployés en tirailleurs, culbutant une série d’unités autrichiennes et les mettant en déroute les unes après les autres, talonnant les fuyards qui percutaient les autres lignes adverses et les désorganisaient... Les positions ennemies cédaient ainsi de proche en proche, comme s’effondre une succession de dominos. À un moment, il s’était retrouvé en tête du 2 e corps d’armée tout entier, ce qui lui avait valu un nouveau surnom : « le fer de lance »... En janvier 1814, le miracle qu’il attendait depuis si longtemps s’était enfin produit : il avait été promu colonel, et avait obtenu de son ancien colonel de pouvoir faire muter ses amis, avec leur accord, dans le régiment qu’il allait commander. Il avait ainsi emmené avec lui Margont, Piquebois et Lefine.
    Seulement voilà, son orgueil avait enflé jusqu’à devenir un monstre bouffi. À peine arrivé, il avait bombardé son général de brigade de « conseils ». Il voulait tout réorganiser, obtenir des promotions pour les uns, faire dégrader les autres... Les canons régimentaires ne convenaient pas parce que ceci, la cavalerie du corps d’armée n’était pas au niveau parce que cela, on ne prenait pas les bonnes routes, on manquait d’agressivité, de mordant, vis-à-vis de l’ennemi, le ravitaillement était indigne de l’armée
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