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La Louve de France

La Louve de France

Titel: La Louve de France
Autoren: Maurice Druon
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du
réfectoire en se tenant le ventre, et vinrent s’écrouler au pied d’un arbre. Ce
n’était pas une ivresse coutumière que celle-ci, qui assommait les hommes comme
d’un coup de bâton.
    Mortimer de Wigmore chercha ses
bottes à tâtons, dans un coin du cachot, et les enfila ; elles glissaient
facilement car ses jambes avaient maigri.
    — Que fais-tu, Roger ?
demanda Mortimer de Chirk.
    — Je me prépare, mon
oncle ; le moment approche. Notre ami Alspaye paraît avoir bien fait les
choses ; on dirait tout juste que la Tour est morte.
    — Il est vrai qu’on ne nous a
point porté notre second repas, remarqua le vieux Lord avec un accent
d’inquiétude.
    Roger Mortimer remettait sa chemise
dans ses braies, bouclait sa ceinture autour de sa cotte de guerre. Ses
vêtements étaient usés, fripés, car on refusait depuis dix-huit mois de lui en
fournir d’autres, et il vivait dans son habillement de bataille, tel qu’on
l’avait dégagé de son armure faussée, la lèvre inférieure blessée par le choc
de la mentonnière.
    — Si tu réussis, je vais rester
seul, et toutes les vengeances retomberont sur moi, dit encore le Lord de
Chirk.
    Il y avait une grande part d’égoïsme
dans la vaine obstination du vieil homme à détourner son neveu de s’évader.
    — Entendez donc, mon oncle,
voici qu’on vient. Cette fois, levez-vous.
    Des pas résonnaient sur les dalles
de pierre, approchaient de la porte. Une voix appela :
    — My Lord !
    — Est-ce toi, Alspaye ?
    — Oui, my Lord, mais je n’ai
pas la clef. Votre geôlier, dans son ivresse, a égaré le trousseau ; et
maintenant, en l’état où il est, on ne peut rien en tirer. J’ai cherché
partout.
    Du bat-flanc où reposait le Lord de
Chirk partit un petit ricanement.
    Mortimer le Jeune eut un juron de
dépit. Alspaye mentait-il, ayant pris peur à la dernière minute ? Mais
dans ce cas, pourquoi était-il venu ? Ou bien était-ce le hasard absurde,
ce hasard que le prisonnier avait tenté d’imaginer toute la journée, et qui se
présentait sous cette forme ?
    — Tout est prêt, my Lord, je
vous assure, continuait Alspaye. La poudre de l’évêque, qu’on a mêlée au vin, a
fait merveille. Ils étaient déjà bien saouls et ne se sont aperçus de rien. À
présent, ils sont tous engourdis, comme morts. Les cordes sont préparées, la
barque vous attend. Mais je n’ai pas la clef.
    — De combien de temps
pouvons-nous profiter ?
    — Les sentinelles ne devraient
point s’inquiéter avant une grande demi-heure. Elles ont festoyé, elles aussi,
avant leur garde.
    — Qui t’accompagne ?
    — Ogle.
    — Envoie-le prendre une masse,
un coin, un levier, et faites sauter la pierre.
    — Je vais avec lui, et m’en
retourne aussitôt.
    Les deux hommes s’éloignèrent. Roger
Mortimer mesurait le temps aux battements de son cœur. Pour une clef
égarée !… Et il suffisait maintenant qu’une sentinelle, sous un prétexte
quelconque, abandonnât sa veille pour que tout échouât… Le vieux Lord lui-même
se taisait et l’on entendait sa respiration oppressée dans le fond du cachot.
    Bientôt un rai de lumière filtra
sous la porte. Alspaye revenait, avec le barbier qui portait chandelle et
outils. Ils s’attaquèrent à la pierre du mur dans laquelle le pêne enfonçait de
deux pouces. Ils s’efforçaient d’assourdir leurs coups ; mais même ainsi,
ils avaient l’impression que l’écho s’en devait répercuter dans toute la Tour.
Des éclats de pierre tombaient sur le sol. Enfin, le bloc s’écroula et la porte
s’ouvrit.
    — Faites vite, my Lord, dit Alspaye.
    Sa face rose, éclairée par la
chandelle, était couverte de sueur, et ses mains tremblaient.
    Roger Mortimer de Wigmore s’approcha
de son oncle, se pencha vers lui.
    — Non, va seul, mon garçon, dit
Mortimer de Chirk ; il faut que tu t’échappes. Que Dieu te protège. Et ne
m’en veuille pas d’être vieux.
    Il attira son neveu par la manche,
lui traça du pouce un signe de croix au front.
    — Venge-nous, Roger,
murmura-t-il encore.
    Et Roger Mortimer de Wigmore, se
courbant, sortit de la cellule.
    — Par où passerons-nous ?
demanda-t-il.
    — Par les cuisines, répondit
Alspaye.
    Le lieutenant, le barbier et le
prisonnier gravirent quelques marches, suivirent un corridor, franchirent
plusieurs pièces obscures.
    — Tu es armé, Alspaye ?
chuchota soudain Mortimer.
    — J’ai ma miséricorde.
    — Il y a un homme,
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