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La Loi des mâles

La Loi des mâles

Titel: La Loi des mâles
Autoren: Maurice Druon
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la
papauté repartir pour Rome ? « Ce que mon père voulait tellement
éviter se disait Philippe de Poitiers Son œuvre, déjà si fort gâtée par Louis
et par notre oncle Valois, va-t-elle être tout entière détruite ? »
    Pendant quelques instants, le
cardinal Duèze eut l’impression que le jeune homme avait oublié sa présence. Et
soudain Poitiers lui demanda :
    — Le parti gascon songe-t-il à
maintenir la candidature du cardinal de Pélagrue ? Et pensez-vous que vos
pieux collègues soient enfin disposés à siéger ? Assoyez-vous donc ici,
Monseigneur, et dites-moi bien votre sentiment. Où en sommes-nous ?
    Le cardinal avait approché beaucoup
de souverains et d’hommes de gouvernement depuis un tiers de siècle qu’il
participait aux affaires des royaumes. Mais il n’en avait guère rencontré qui
montrassent pareille maîtrise d’eux-mêmes. Voilà un prince de vingt-cinq ans
auquel il venait d’annoncer que son frère était décédé, que le trône était
vacant, et dont l’esprit demeurait assez dispos pour se soucier des embrouilles
d’un conclave. Cela méritait considération.
    Assis côte à côte, près d’une
fenêtre, sur un coffre recouvert de damas, les pieds du cardinal touchant à
peine le sol et la cheville maigre du comte de Poitiers battant lentement
l’air, les deux hommes eurent une longue conversation.
    En réalité, selon l’exposé que fit
Duèze, on butait toujours, depuis deux ans qu’était mort Clément V, sur
les mêmes difficultés que Duèze naguère, dans un champ aux abords d’Avignon,
avait exposées à Bouville. Le parti des dix cardinaux gascons, qu’on appelait
aussi le parti français, restait le plus nombreux, mais il était insuffisant
pour constituer à lui seul la majorité requise des deux tiers du Sacré Collège,
soit seize voix. Les Gascons, se considérant dépositaires de la pensée du pape
défunt auquel ils devaient tous le cardinalat, tenaient fermement pour le siège
d’Avignon et se montraient remarquables d’unité contre les deux autres partis.
Mais entre eux, il y avait compétition sourde ; à côté des ambitions d’Arnaud
de Pélagrue grandissaient celles d’Arnaud de Fougères et d’Arnaud Nouvel.
Feignant de se soutenir, ils se tiraient sournoisement dans les jambes.
    « La guerre des trois Arnaud
dit Duèze de sa voix chuchotante. Voyons maintenant le parti des
Italiens. »
    Ceux-là n’étaient que huit, mais
divisés en trois factions. La gifle d’Anagni séparait à jamais le redoutable
cardinal Caëtani, neveu du pape Boniface VIII, des deux cardinaux Colonna.
Entre ces adversaires, les autres Italiens flottaient. Stefaneschi, par hostilité
à la politique de Philippe le Bel, tenait pour Caëtani, dont il était
d’ailleurs parent, Napoléon Orsini louvoyait. Les huit ne retrouvaient de
cohésion que sur un seul point : le retour de la papauté dans la Ville
éternelle. Mais là, leur détermination était farouche.
    — Vous savez bien, Monseigneur,
poursuivit Duèze, qu’un moment on a risqué le schisme, et qu’on le risque
encore. Nos Italiens refusaient de se réunir en France, et ils faisaient
savoir, voici peu, que si l’on élisait un pape gascon ils ne le reconnaîtraient
pas et nommeraient le leur à Rome.
    — Il n’y aura pas de schisme,
dit calmement le comte de Poitiers.
    — Grâce à vous, Monseigneur,
grâce à vous, je me plais à le reconnaître, et je le dis partout. Allant de
ville en ville porter la bonne nouvelle, si vous n’avez pas encore trouvé le
pasteur, vous avez déjà rassemblé le troupeau.
    — Coûteuses brebis,
Monseigneur ! Savez-vous que j’étais parti de Paris avec seize mille
livres, et qu’il m’a fallu l’autre semaine m’en faire envoyer autant ?
Jason auprès de moi était petit seigneur. J’aimerais bien que toutes ces
toisons d’or ne me fuient pas dans les doigts, dit le comte de Poitiers en
plissant légèrement les paupières.
    Duèze, qui par voie détournée avait
fortement bénéficié de ces largesses, ne releva pas directement l’allusion,
mais répondit :
    — Je crois que Napoléon Orsini
et Alberti de Prato, et peut-être même Guillaume de Longis, qui fût avant moi
chancelier du roi de Naples, se détacheraient assez aisément… Éviter le schisme
valait bien ce prix.
    Poitiers pensa « Il a utilisé
l’argent que nous lui avons donné pour se faire trois voix chez les Italiens
C’est habile. »
    Quant à Caëtani,
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