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La Loi des mâles

La Loi des mâles

Titel: La Loi des mâles
Autoren: Maurice Druon
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bien qu’il
continuât de jouer l’irréductible, sa position n’était plus aussi forte depuis
que s’étaient découvertes ses pratiques de sorcellerie et sa tentative
d’envoûter le roi de France et le comte de Poitiers lui-même. L’ancien templier
Evrard, un demi-fou dont Caëtani s’était servi pour ses œuvres démoniaques,
avait un peu trop parlé avant d’aller se livrer aux gens du roi.
    — Je tiens cette affaire en
réserve, dit le comte de Poitiers. Le parfum du bûcher pourrait, le moment
venu, donner un peu de souplesse à Monseigneur Caëtani.
    À la pensée de voir griller un autre
cardinal, un très léger, très furtif sourire passa sur les lèvres étroites du
vieux prélat.
    — Par malchance, reprit
Poitiers, cet Evrard s’est pendu dans la prison où je l’avais fait jeter, avant
qu’on le questionnât vraiment.
    — Pendu ? Vous me
surprenez, Monseigneur. Des gens à moi, et qui le connaissent bien, m’ont
affirmé l’avoir rencontré, voici moins de deux semaines, rôdant à nouveau
autour de Valence. Il faudrait qu’il eût ressuscité…
    — Ou bien qu’on eût accroché
quelqu’un d’autre aux barreaux de sa geôle.
    — Le Temple est encore
puissant, dit le cardinal.
    — Hélas ! fit le comte de
Poitiers qui nota mentalement d’envoyer un de ses officiers enquêter du côté de
Valence.
    — Il semble, enchaîna Duèze,
que Francesco Caëtani se soit tout à fait détourné des affaires de Dieu pour ne
plus s’occuper que de celles de Satan. Ne serait-ce pas lui qui, ayant manqué
son envoûte, aurait fait atteindre le roi votre frère par le poison ?
    Le comte de Poitiers écarta les
mains, d’un geste d’ignorance.
    — Chaque fois qu’un roi meurt,
on affirme qu’il a été enherbé, répondit-il. On l’a dit de mon aïeul Louis
Huitième ; on l’a dit même de mon père, que Dieu garde… Mon frère Louis
était d’assez pauvre santé. Mais enfin la chose vaut qu’on y pense.
    — Reste enfin, reprit Duèze, le
troisième parti, qu’on nomme provençal, à cause du plus remuant d’entre nous,
le cardinal de Mandagout…
    Ce dernier parti comptait six
cardinaux, d’origine diverse ; des prélats méridionaux, comme les deux
Bérenger Frédol, y voisinaient avec les Normands, et avec un Quercynois qui
n’était autre que Duèze lui-même.
    L’or distribué par Philippe de
Poitiers les avait rendus assez réceptifs aux arguments de la politique
française.
    — Nous sommes les plus petits,
nous sommes les plus faibles, dit Duèze, mais nous sommes l’appoint
indispensable à toute majorité. Et puisque Gascons et Italiens se refusent
mutuellement un pape qui pourrait venir de leurs rangs, alors Monseigneur…
    — Alors, il faudra prendre un
pape chez vous ; n’est-ce pas votre sentiment ?
    — Je le crois, je le crois
fermement. Je l’avais dit dès la mort de Clément. On ne m’a pas écouté ;
on a cru sans doute que je prêchais pour moi, car mon nom en effet avait été
prononcé, sans que je le veuille. Mais la cour de France ne m’a jamais fait
grande confiance.
    — C’est que, Monseigneur, vous
étiez un peu trop ouvertement soutenu par la cour de Naples.
    — Et si je n’avais été soutenu
par personne, Monseigneur, qui donc eût pris garde à moi ? Je n’ai d’autre
ambition, croyez-le, que de voir un peu d’ordre remis dans les affaires de la
chrétienté, qui sont bien mauvaises ; la tâche sera pesante pour le
prochain successeur de saint Pierre.
    Le comte de Poitiers joignit ses
longues mains devant son visage et réfléchit quelques secondes.
    — Pensez-vous, Monseigneur,
demanda-t-il, que les Italiens, contre la satisfaction de n’avoir pas un pape
gascon, accepteraient que le Saint-Siège restât en Avignon, et que les Gascons,
pour la certitude d’Avignon, pourraient renoncer à leur candidat et se rallier
à votre tiers parti ?
    Ce qui signifiait en clair :
« Si vous, Monseigneur Duèze, étiez élu avec mon appui, vous engagez-vous
formellement à conserver la résidence actuelle de la papauté ? »
    Duèze comprit parfaitement.
    — Ce serait, Monseigneur,
répondit-il, la solution de sagesse.
    — Je retiens votre précieux
avis, dit Philippe de Poitiers en se levant pour mettre fin à l’audience.
    Il raccompagna le cardinal.
    L’instant où deux hommes que tout en
apparence sépare, l’âge, l’aspect, l’expérience, les fonctions, se
reconnaissent de trempe égale et
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