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La Guerre Du Feu

La Guerre Du Feu

Titel: La Guerre Du Feu
Autoren: J.H. Rosny aîné
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grand Naoh, il exagéra son élan : le coup de sa massue fut si terrible qu’il eût fallu ses deux pieds pour en supporter l’ébranlement, et, tandis qu’il trébuchait, l’arme de son adversaire s’abattit sur sa nuque et le terrassa. Un deuxième coup fit craquer les vertèbres.
    Aghoo n’était plus qu’à cent pas ; Roukh, affaibli par le sang qui coulait de sa main, et moins leste, avait cent pas de retard. Tous deux arrivaient au but comme des rhinocéros, entraînés par un si profond instinct de race qu’ils en oubliaient la ruse.
    Un pied sur le vaincu, le fils du Léopard attendait, la massue prête. Aghoo fut à trois pas ; il bondit pour l’attaque... Naoh s’était dérobé. Il courait sur Roukh avec une vélocité d’élaphe. En un geste suprême, de sa massue abattue à deux poings, il écarta l’arme que Roukh, maladroitement, levait de sa main gauche, et, d’un choc sur le crâne, il étendit le deuxième antagoniste...
    Puis, se dérobant encore devant Aghoo, il cria :
    – Où sont tes frères, fils de l’Aurochs ? Ne les ai-je pas abattus comme j’ai abattu l’ours gris, la tigresse et les Dévoreurs d’Hommes ? Et me voici, aussi libre que le vent ! Mes pieds sont plus légers que les tiens, mon souffle est aussi durable que celui du mégacéros !
    Quand il eut repris l’avance, il s’arrêta, il regarda venir Aghoo. Et il dit :
    – Naoh ne veut plus fuir. Il prendra cette nuit même ta vie ou donnera la sienne...
    Il visait le fils de l’Aurochs. Mais l’autre avait retrouvé la ruse : il ralentit sa course, attentif. La sagaie perça l’étendue. Aghoo s’était baissé, l’arme siffla plus haut que son crâne.
    – C’est Naoh qui va mourir ! hurla-t-il.
    Il ne se hâtait plus ; il savait que l’adversaire restait maître d’accepter ou de refuser la lutte. Sa marche était furtive et redoutable. Chacun de ses mouvements décelait la bête de combat ; il apportait la mort avec le harpon ou la massue. Malgré l’écrasement des siens, il ne redoutait pas le grand guerrier flexible, aux bras agiles, aux rudes épaules. Car il était plus fort que ses frères et il ignorait la défaite. Aucun homme, aucune bête n’avait résisté à sa massue. Quand il fut à portée, il darda le harpon. Il le fit parce qu’il fallait le faire : mais il ne s’étonna pas en voyant Naoh éviter la pointe de corne. Et lui-même évita le harpon de l’adversaire.
    Il n’y eut plus que les massues. Elles se levèrent ensemble ; toutes deux étaient en bois de chêne. Celle d’Aghoo avait trois nœuds ; elle s’était à la longue polie et luisait au clair de lune. Celle de Naoh était plus ronde, moins ancienne et plus pâle.
    Aghoo porta le premier coup. Il ne le porta pas de toute sa vigueur ; ce n’est pas ainsi qu’il espérait surprendre le fils du Léopard. Aussi Naoh s’effaça sans peine et frappa de biais. La massue de l’autre vint à sa rencontre ; les bois s’entrechoquèrent avec un long craquement. Alors Aghoo bondit vers la droite et revint sur le flanc du grand guerrier : il frappa le coup immense qui avait brisé des crânes d’hommes et des crânes de fauves. Il rencontra le vide, tandis que la massue de Naoh rabattait la sienne. Le choc fut si fort que Faouhm même eût chancelé : les pieds d’Aghoo tenaient à la terre comme des racines. Il put se rejeter en arrière.
    Ainsi se retrouvèrent-ils face à face, sans blessure, comme s’ils n’avaient pas combattu. Mais, en eux, tout avait lutté ! Chacun connaissait mieux la créature formidable qu’était l’autre, chacun savait que, s’il faiblissait le temps de faire un geste, il entrerait dans la mort, une mort plus honteuse que celle donnée par le tigre, l’ours ou le lion ; car ils combattaient obscurément pour faire triompher, à travers les temps innombrables, une race qui naîtrait de Gammla.
    Aghoo reprit le combat avec un hurlement rauque ; sa force entière passa dans son bras : il abattit sa massue sans feinte, résolu à broyer toute résistance. Naoh, reculant, opposa son arme. S’il détourna le coup, il ne put empêcher un nœud de faire à son épaule une large éraflure. Le sang jaillit, il rougit le bras du guerrier ; Aghoo, sûr de détruire cette fois encore une vie qu’il avait condamnée, releva sa massue ; elle retomba, épouvantable...
    Le rival ne l’avait point attendue et l’élan fit pencher le fils de l’Aurochs. Poussant un cri
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