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La Guerre Du Feu

La Guerre Du Feu

Titel: La Guerre Du Feu
Autoren: J.H. Rosny aîné
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prodigieux, plein d’images profondes et précises. Ils ont la jeunesse d’un monde qui ne reviendra plus. Tout est vaste, tout est neuf... Eux-mêmes ne sentent jamais la fin de leur être, la mort est une fable effrayante plutôt qu’une réalité. Ils la craignent brusquement, dans les moments terribles ; puis elle s’éloigne, elle s’efface, elle se perd au fond de leurs énergies. Si les fatalités sont formidables, si elles s’abattent sans répit avec la bête, la faim, le froid, les maux étranges, les cataclysmes, à peine ont-elles passé, ils ne les redoutent plus. Pourvu qu’ils aient l’abri et la nourriture, la vie est fraîche comme la rivière...
    Un rugissement fend les ténèbres. Le sanglier prend du champ, l’élaphe bondit, convulsif, ses bois plus penchés sur la nuque, et cent structures ont palpité. D’abord, c’est, près de la tremblaie, une forme nébuleuse ; puis une silhouette oscillante, dont la puissance se décèle dans chaque geste ; une fois encore, Naoh aura vu le lion géant. Tout a fui. La solitude est sans bornes. La bête colossale s’avance avec inquiétude. Elle connaît la vitesse, la vigilance, le flair aigu, la prudence, les ressources innombrables de ceux qu’elle doit atteindre. Cette terre, où sa race a presque disparu, est moins tiède et plus pauvre ; elle y vit d’un effort épuisant. Toujours, la faim ronge son ventre. À peine si elle s’accouple encore ; les terroirs où la proie suffit à un couple sont devenus plus rares, même là-bas, vers le soleil, ou dans les vallées chaudes. Et le survivant qui rôde dans le pays du grand marécage ne laissera point de descendance.
    Malgré la hauteur et l’escarpement du roc, Naoh sent ses entrailles tordues. Il s’assure que le Feu défend l’étroit accès, il saisit la massue et le harpon ; Nam et Gaw aussi sont prêts à combattre ; tous trois, tapis contre le roc, sont invisibles.
    Le lion-tigre s’est arrêté ; ramassé sur ses pattes musculeuses, il considère cette haute clarté qui trouble les ténèbres comme un crépuscule. Il ne la confond pas avec la lueur du jour et moins encore avec cette lumière froide qui le gêne à l’embuscade. Confusément, il revoit des flammes dévorant la savane, un arbre brûlé par la foudre, ou même les feux de l’homme, qu’il a parfois frôlés, il y a longtemps, dans les territoires d’où l’ont successivement exilé la famine, la crue des eaux ou leur retraite qui rend l’existence impossible. Il hésite, il gronde, sa queue fouette furieusement, puis il s’avance et flaire les effluves. Ils sont faibles, car ils s’élèvent puis s’éparpillent avant de redescendre ; la petite brise les porte vers la rivière. Il sent à peine la fumée, moins encore la chair rôtie, pas du tout l’odeur des hommes ; il ne voit rien que ces lueurs bondissantes, dont les éclairs rouges et jaunes croissent, décroissent, se déploient en cônes, coulent en nappes, se mêlent dans l’ombre soudaine des fumées. La mémoire d’aucune proie ne s’y associe ni d’aucun geste de combat ; et la brute, saisie d’une crainte chagrine, ouvre sa gueule immense, caverne de mort d’où rauque le rugissement... Naoh voit s’éloigner le lion géant vers les ténèbres où il pourra dresser son piège...
    – Aucune bête ne peut nous combattre ! s’exclame le chef avec un rire de défi.

    Depuis un moment, Nam a tressailli. Le dos tourné au feu, il suit du regard, à l’autre rive, un reflet qui rebondit sur les eaux, s’infiltre parmi les saules et les sycomores. Et il murmure, la main tendue :
    – Fils du Léopard, des hommes sont venus !
    Un poids descend sur la poitrine du chef, et tous trois unissent leurs sens. Mais les rives sont désertes, ils n’entendent que le clapotement des eaux ; ils ne distinguent que des bêtes, des herbes et des arbres.
    – Nam s’est trompé ? interroge Naoh.
    Le jeune homme répond, sûr de sa vision :
    – Nam ne s’est pas trompé... Il a aperçu les corps des hommes, parmi les branches des saules... Ils étaient deux.
    Le chef ne doute plus ; son cœur se convulse entre l’angoisse et l’espérance. Il dit tout bas :
    – C’est ici le pays des Oulhamr. Ceux que tu as vus sont des chasseurs ou des éclaireurs envoyés par Faouhm.
    Il s’est levé, il développe sa grande stature. Car il ne servirait à rien de se cacher : amis ou ennemis savent trop la signification du Feu. Sa voix
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