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La grande vadrouille

La grande vadrouille

Titel: La grande vadrouille
Autoren: Georges TABET , André TABET
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Stanislas s’étrangla de rage :
    — Régisseur ! hurla-t-il. Je ne veux personne ici ce matin que moi… et Berlioz !
    Le régisseur, obséquieux, surgissant de la coulisse, expulsa tout le monde de la salle.
    Comme un malheureux que l’humanité entière persécute, Lefort, d’une baguette fatiguée, donna le départ à l’orchestre, extirpant des profondeurs des contrebasses le passage « mysterioso 50 » de la célèbre Marche Hongroise.
    Tout en haut, se frayant un chemin au milieu des herses et des cintres, Mac Intosh avançait lentement, avec mille précautions. Cent fois, embarrassé qu’il était avec son parachute, il faillit tomber et s’écraser au bon milieu de la scène. Mais, sans bruit, il s’était chaque fois retenu à une barre, une herse, un décor…
    Il atteignit un petit escalier de fer qu’il descendit.
    Il pensait :
    — Quoi de mieux qu’un théâtre pour y dénicher de quoi se travestir en costume de ville et s’enfuir par une porte dérobée jusqu’aux Bains Turcs, afin de retrouver son Squadron-Leader dans un Paris truffé d’Allemands ?…
    Il ignorait, le beau Mac Intosh, que comme déguisement il ne trouverait à l’Opéra que des costumes de hallebardiers, d’abbés XVIII e , de truands, ou de seigneurs de la cour du duc de Mantoue, pour le premier acte de Rigoletto.

    *
    * *

    Jean Benoît, le baryton qui jouait Méphisto dans la Damnation, quitta la salle, vexé par les rudes injonctions du régisseur. Marguerite, l’obèse Bianca della Riviera, soprano, à la voix de rossignol, désirait l’entraîner vers la cantine, car elle avait un faible pour lui, mais Benoît se déroba :
    — Je vais faire un tour, pour entendre comment l’orchestre sonne du deuxième balcon.
    Elle n’en crut rien, pensant très dépitée qu’il avait levé quelque danseuse jeune, jolie et (elle soupira)… mince !
    Bianca della Riviera minauda, mais n’insista pas. Le beau Jean Benoît la rencontrait sans plaisir et s’en séparait avec soulagement.
    Elle descendit lourdement l’escalier côté cour pendant que Méphisto le remontait.
    Il se rendit effectivement au deuxième balcon où des ouvriers du théâtre installaient pour le gala du soir une décoration rouge, blanche et noire, tout en œillets. Elle représentait, sur un parterre d’un vermillon lumineux, accroché à la balustrade, un véritable drapeau de fleurs frappé en son milieu d’une pastille blanche au fond de laquelle s’écartelait l’araignée noire de la croix gammée.
    Autour de cet emblème, qui devait surplomber la loge d’honneur où trônerait ce soir l’Obergruppenführer Otto Weber, trois hommes s’affairaient mystérieusement. Paul et Bébert, électriciens sous les ordres de Plombin, chef machiniste, allaient réserver au grand dignitaire nazi une fin en apothéose dans le goût du Crépuscule des Dieux.
    —  Passe-moi le plastic, souffla Paul à Plombin. Et file-moi un peu de lumière…
    Plombin éclaira, d’un jet de lampe électrique, l’endroit où les mains de Paul ménageaient une cachette, sous les œillets. C’est là que Plombin présenta le pain de plastic.
    Paul y fixa deux fils électriques, qui couraient invisibles le long du balcon, et aboutissaient à un détonateur dans la cabine, sur la scène, côté cour.
    Le plastic désormais enfoui à sa place, on rétablit les œillets dans leur charmant alignement, et nul n’y pouvait rien distinguer d’insolite, apparemment.
    Le travail si bien accompli fut pour les hommes une cause de jubilation :
    — Avec fleurs et couronnes… et que ça saute ! dit Paul ravi.
    — Fais gaffe, dit Bébert, sur le profil du balcon, je vois un œillet qui dépasse !
    — Touche pas ! dit Paul vivement, mon fil est amarré dessus. Si on l’arrachait, ça ne ferait fatalement pas le même boum !… Laisse… personne n’y fera attention…
    Méphisto entra à ce moment dans la loge sombre. Effrayés, les électriciens et le chef machiniste sursautèrent. Mais en reconnaissant le chanteur, ils retrouvèrent leur calme et leur sourire. Le chanteur était un des complices du coup.
    — C’est fait ? s’enquit Méphisto de sa belle voix grave, qu’il économisait en parlant.
    — Au poil ! assura Plombin au Prince des Ténèbres.
    Il lança un ordre au chef électricien, tapi dans le jeu d’orgue.
    —  Lumière !
    Le mot traversa l’immense vaisseau de part en part, du deuxième balcon à la cabine, côté cour de la
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