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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls
Autoren: Robert Merle
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ravi de vous avoir là.
    — Madame, dis-je, dois-je entendre que vous ne départez
plus pour Nantes ?
    — Je n’en vois plus la nécessité, maintenant que je
suis, grâce à vous, si bien remparée. À moins, Monsieur, reprit-elle avec un
sourire des plus mutins, que ma présence vous gêne…
    — Oh Madame ! dis-je en me mettant à ses genoux,
et en déposant sur la main qu’elle me tendait un baiser chaleureux.
    Je crains à la vérité qu’il ne fut plus long qu’il n’aurait
dû être pour lui témoigner ma gratitude, mais d’un autre côté, elle ne retira
pas sa menotte aussi vite qu’elle l’eût dû, tant assurément elle était
satisfaite de voir un gentilhomme là où, selon elle, il devrait toujours
être : à ses pieds.
     
    *
    * *
     
    Dans l’après-dînée, j’allai surveiller avec Nicolas
l’installation de mes Suisses dans les communs que Madame de Brézolles leur
avait alloués. Puis je fis une sieste longuissime dans une chambrette qu’elle
voulut bien m’ouvrir en attendant d’approprier la grande chambre où elle me
voulait loger et qui serait, à tous égards, « plus belle et plus
commode ».
    Je la remerciai de ses soins chaleureux et, me jetant sur le
lit de la chambrette, je m’ensommeillai avec l’intention de dormir une petite
heure, mais mon corps en décida autrement et je ne saillis de ma torpeur que
lorsque Nicolas, toquant à mon huis, m’annonça que la marquise m’attendait pour
le souper.
    Rien ne fut dit au cours de ce souper qui soit digne d’être conté
pour la raison que s’était établie, entre Madame de Brézolles et moi, une
entente si amicale et même si tendre, qu’elle n’avait besoin que de regards et
de petits mots sans importance pour être entretenue.
    Après ce souper, Madame de Brézolles me fit conduire par son maggiordomo à une grande chambre qui me combla d’aise, étant superbement
parée en tentures et tapis, en belles chaires à bras et en meubles ouvragés,
sans compter un majestueux baldaquin qui était quasiment royal en son ampleur.
Je noulus déranger Nicolas, qui déjà dans une chambre voisine dormait comme
loir, et je me déshabillai seul. Et après avoir tiré autour de ma couche les
courtines damassées, je m’allongeai, puis me repliai quelque peu sur moi-même
dans le plus délicieux ococoulement… Seigneur ! m’apensai-je, est-ce bien
moi qui suis céans, moi qui ai vécu dans cette géhenne de la citadelle de
Saint-Martin-de-Ré, pâtissant de soif et de faim et saisi, en outre, de
l’horreur de voir périr comme mouches autour de moi tant d’hommes que j’avais
connus sains et gaillards quelques semaines plus tôt.
    Toutefois, je ne pus dormir, étant si miraculeusement
replongé dans les aises et les délices de la vie et bientôt, à ce que
j’espérais du moins, la proie, comme Ulysse, d’une bienveillante Circé. Ma
fé ! m’apensai-je, que fine et maligne est cette belle ! Et comme
elle a bien joué son jeu en sa méthodique, minutieuse et circonspecte approche,
pareille à un tailleur à qui on propose une étoffe et qui longuement l’étudie,
la froisse, la renifle, la palpe, avant de se décider à l’acheter ! Et
avec quelle astuce la dame avait conclu ce bargoin qui était grandement à son
avantage, puisqu’elle avait acquis, d’une part, sans bourse délier, une forte
garnison pour protéger sa demeure, et d’autre part, en ne la déliant que peu,
un chevalier servant dévoué à ses ordres, et à qui elle ferait, ou ne ferait
pas appel, pour consoler sa solitude.
    Assurément, au cours de nos entretiens, la dame ne s’était
point montrée chiche en doux regards et en petites mines languissantes,
lesquelles toutefois ne préjugeaient pas de l’avenir. Toutefois, la dame était
faite d’un si ferme métal qu’il était facile de conjecturer que sa décision
était prise déjà. Mais je n’étais pas moins très assuré qu’elle entendait
rester maîtresse du jour, de l’heure et de la circonstance où elle me la ferait
connaître. À y réfléchir plus outre, j’admirai la maîtrise avec laquelle elle
avait conduit ce merveilleux bargoin. Cependant, quelques jours plus tard, je
n’allais pas tarder à entendre à quel point elle était plus profonde encore que
je n’avais cru, car avec une émerveillable subtilité, et sans nuire le
moindrement à mes intérêts, elle tira de moi des avantages tels et si grands
que je n’eusse jamais pu les imaginer.
    Le lendemain, je
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