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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls
Autoren: Robert Merle
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Clérac !
    « Morveux » n’avait rien d’outrageant dans la
bouche du capitaine. C’était, bien le rebours, un terme d’affection, comme
d’autres termes de même farine. Se peut que le lecteur se ramentoit que dans
une précédente mission, il avait appelé le frère aîné de Nicolas « ce
petit lieutenant de merde ». Il est vrai que Monsieur de Clérac étant
devenu depuis capitaine aux mousquetaires du roi, cette appellation ne lui
convenait plus, tout affectionnée qu’elle fût. Là-dessus, Du Hallier se jeta
sur Nicolas, le prit dans ses bras géantins et lui bailla je ne sais combien de
poutounes piquants et de tapes sur l’épaule, tant est que le pauvre Nicolas
pâtit d’une joue enflammée et d’un dos endolori jusqu’au lendemain.
    — Eh bien ! Mes bons enfants ! reprit Du
Hallier, avez-vous réussi à vous loger dans cet énorme cacatoire qu’est devenu
le camp ?
    — Assez mal, dis-je, ne voulant pas lui donner
l’occasion de répandre, dans toute l’armée, quelques gras quolibets sur mon
beau château et la belle qui l’habitait.
    Ce qu’il eût fait, de reste, sans penser à mal, ce grand
hurleur étant, comme eût dit ma bonne Mariette, « une crème
d’homme ».
    — Monsieur le Capitaine, dit l’exempt sans s’approcher
de plus d’une toise, voici les deux laissez-passer.
    — Coquefredouille ! hurla Du Hallier, et pourquoi
en as-tu fait deux, et non un seul ?
    — Plaise à vous, Monsieur le Capitaine, dit l’exempt en
rougissant comme une garcelette, plaise à vous de considérer que si l’un de ces
gentilshommes perd l’autre dans la foule, cet autre, s’il n’a pas de
sauf-conduit, sera incontinent arrêté.
    Du Hallier envisagea alors l’exempt, hésitant entre ire et
rire, et le rire à la fin l’emportant, il dit en secouant la tête avec un air
de profonde sagesse :
    — Voilà qui n’est pas sot. Et d’ailleurs, si tu
l’étais, tu ne serais pas mon exempt.
    À quoi l’exempt rougit, mais cette fois de plaisir, et se
retira à une toise, ce qui paraissait être l’espace que le respect, ou la
prudence, lui dictait de garder entre son chef et lui.
    Néanmoins, Du Hallier eut raison de nous dresser ces laissez-passer,
car dans le longuissime trajet d’Aytré à Coureille (qui était la pointe sud de
la baie de La Rochelle) on nous les demanda cinq fois – en fait, autant de
fois que je quérai mon chemin.
    Belle lectrice, je n’aimerais pas que vous pensiez que notre
circonvallation de La Rochelle collât aux murailles de la cité. Bien loin de
là : elle en était distante assez pour nous mettre hors de portée des
canons rochelais. Cette disposition avait pour conséquence que notre
circonvallation qui partait de la pointe de Coureille au sud pour atteindre au
nord la pointe de Chef de Baie, avait trois lieues de long [6] .
Ce qui expliquait l’immensité du camp retranché.
    Une autre conséquence était que les Rochelais avaient, eux
aussi, installé des tranchées dans l’espace laissé vide entre les nôtres et
leurs murailles, ne fut-ce que pour nous empêcher d’avancer à la nuitée nos
canons pour bombarder leur ville.
    Entre les tranchées des Rochelais et celles des royaux,
s’étendait une sorte de prairie marécageuse où quand la famine commença à
ravager La Rochelle, on put voir des femmes ramasser, pour se nourrir, des
herbes, à deux pas de nos avant-postes. On les laissa faire, le roi ayant
défendu qu’on leur tirât sus.
    Cependant, la nuit venue, des Rochelaises, ou d’autres,
entraient en contact avec ces mêmes soldats et se prostituaient à eux pour une
bouchée de pain, tandis que d’autres soldats veillaient, le mousquet chargé, au
cas où ces visites cacheraient une ruse de guerre. Ni du côté rochelais, ni du
côté du roi, on ne parvint jamais à faire cesser ces pratiques. La faim était
trop impérieuse, bien qu’elle ne fût pas, des deux côtés, de même nature. En
outre, les soldats des avant-postes étaient d’excellents soldats, tous
volontaires pour les périls des veillées nocturnes, et il eût été bien malavisé
de pendre ne fut-ce que le dernier d’entre eux.
    Derrière cette longuissime circonvallation, faite de
tranchées mais aussi de redoutes, le camp que j’ai dit était établi :
ville improvisée, disparate, élevée à la franquette de pièces et de morceaux,
comportant des maisons de pierre, des baraques de bois, des tentes, et dont la
population militaire, à la
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