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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls
Autoren: Robert Merle
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parfin forte de trente mille soldats, était presque
doublée par celle des marchands, des maçons, des maréchaux-ferrants, des
cordonniers, des vivandières, des blanchisseuses et aussi de bon nombre de
manants qui, dans les champs laissés libres entre les maisons, élevaient ou
gardaient leurs bœufs et tâchaient de ramasser pécunes en les vendant aux
bouchers. À travers ce capharnaüm courait un lacis de chemins hâtivement
empierrés et le plus souvent boueux, les pluies d’octobre et de novembre, en
cette région de France, étant quasi incessantes, souvent accompagnées de vents
froids et violents venus de l’océan.
    Sur ce chemin, le charroi dans les deux sens était
grandissime tant de charrettes que de carrosses, de cavaliers et de gens de
pié, et les querelles fréquentes, surtout aux croisements, quand les uns
voulaient passer avant les autres, ce qui amenait une grande noise d’injures,
de hurlades et des claquements de fouets. Au sortir d’Aytré, nous trottions,
Nicolas et moi, au botte à botte, mais les embarras de la route, non moins
inextricables que ceux de Paris, nous mirent bientôt au pas, Nicolas derrière
moi.
    Le temps, comme j’ai dit, était venteux et tracasseux, le
ciel bas et sombre et il tombait une petite pluie fine, froide et
intermittente. J’aperçus, plus d’une fois, en retrait du chemin, des cadavres
de chevaux dont la douceâtre puanteur me donna la nausée ; d’autres qui,
réduits à l’état de squelettes par la picorée des corbeaux, la Dieu merci, ne
sentaient plus. De ces corbeaux comme du reste dans la citadelle de
Saint-Martin-de-Ré pendant le siège, j’ai vu alors des quantités. À croire que
tous ceux du royaume s’étaient donné là rendez-vous, alléchés par une curée
dont je suis bien assuré qu’ils savaient déjà qu’elle serait longue. À terre,
ils marchaient lourdement, mais avec une insolente effronterie, s’écartant à
peine du chemin quand les gens de pié passaient, leurs mousquets sur l’épaule,
pour rejoindre leurs postes.
    Coureille où nous parvînmes après deux longues heures, fort
glacés par le vent et la pluie malgré nos hongrelines, est un village que, sur
l’ordre du roi, le duc d’Angoulême avait occupé dès le début de l’encerclement
de La Rochelle. Comme nous occupions la pointe dite « Chef de Baie »,
nous étions donc maîtres, dès le début, de deux points importants qui, au nord
comme au sud, commandaient la baie de La Rochelle et interdisaient en ces
points tout débarquement des Anglais, et d’autant plus qu’ils étaient très bien
garnis en forts et en troupes. Par malheur, ils n’interdisaient pas l’entrée de
la baie elle-même à des vaisseaux anglais qui pouvaient parvenir jusqu’au port,
faute d’avoir une forte flotte française que le cardinal, avec de prodigieux
efforts, tâchait de créer, mais qui était encore peu nombreuse.
    Or, il allait sans dire que si La Rochelle continuait à être
ravitaillée par mer, le blocus par terre de nos troupes serait de nulle
conséquence. C’est de là, lecteur, que vint l’idée de construire cette fameuse
digue de pierres qui, partie de la côte de Coureille, atteindrait la côte de
Chef de Baie, interdisant à la fois l’entrée aux vaisseaux ennemis et la sortie
des bateaux huguenots et, par conséquent, enfermerait La Rochelle en ses murs.
Mais je parlerai plus loin de cette géantine entreprise qui exigea tant de
pécunes, de travail et de ténacité, et qui fut poursuivie dans les dents de
multiples échecs et, à la parfin, atteignit son but.
    À Coureille, Toiras nous accueillit dans une petite maison
fort commode qui pouvait se paonner d’une grande cheminée et d’un grand feu de
bois, lequel fut fort le bienvenu par ces temps tracasseux. Nos juments ayant
horreur du vent plus encore que de la pluie, elles furent heureuses, de leur
côté, de trouver un gîte dans une écurie bien close où, sous l’œil de Nicolas,
les palefreniers les bichonnèrent et enfin les pourvurent en bonne avoine et en
eau claire.
    Il ne se peut que le lecteur ne se ramentoive que je subis,
avec Monsieur de Toiras, le siège de la citadelle de Saint-Martin-de-Ré qu’il
défendit avec tant de ténacité et de sagacité que jamais Buckingham ne put y
prendre pied.
    J’aimais fort Toiras, malgré ses rudesses et ses emportements
qui cachaient des vertus plus aimables. Il avait la face tannée, le nez gros,
la mâchoire forte, la membrature
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