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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls
Autoren: Robert Merle
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m’inquiéta, car le monde juge assez souvent des mœurs d’un gentilhomme
par la beauté de son écuyer.
    Je laissai alors percer quelque humeur de ce soupçon et je
dis d’un ton brusque et franc :
    — Madame, la beauté de Nicolas n’est que la moindre de
ses qualités ; cependant, il la trouve de très bon service, étant, comme
son maître, un fervent admirateur du gentil sesso.
    —  Mais je ne le décrois pas, dit Madame de
Brézolles en cachant sous un petit rire le soulagement qu’elle éprouvait.
    « Comte, enchaîna-t-elle, êtes-vous marié ?
    Morbleu ! m’apensai-je, va-t-il me falloir lui conter
ma vie entière pour qu’elle consente à me louer sa maison ?
    — Nenni, Madame, j’ai eu tous les courages, sauf celui-là.
    — Oh ! dit-elle avec un sourire, l’expérience
n’est pas si terrifiante ! Quoi qu’on en dise, il est de bons mariages.
Pour moi, j’ai eu un excellent mari à qui je ne peux guère reprocher que ne
m’avoir pas fait d’enfant. L’avez-vous connu ? poursuivit-elle. Il faisait
partie de l’armée de Monsieur de Schomberg qui força les Anglais à se
rembarquer après les avoir forcés à lever le siège de la citadelle de
Saint-Martin-de-Ré.
    — Je l’eusse pu, Madame : j’étais dans la
citadelle. Mais à la vérité, nous étions si affaiblis par ce long siège que
nous servîmes d’arrière-garde à Monsieur de Schomberg, sans pouvoir faire
connaissance avec ses officiers.
    — Pour en revenir à Monsieur de Brézolles, reprit-elle,
il fut blessé à la cuisse le dernier jour du combat, pansé et transporté
aussitôt céans, où sa blessure parut d’autant plus bénigne et curable que le
premier soir de son advenue, il voulut bien honorer ma couche, chose qui étonna
tout le domestique.
    — Mais, Madame, comment le domestique le sut-il ?
    — Eh bien, dit-elle en baissant les yeux d’un air
embarrassé, Monsieur de Brézolles, dans les moments que je dis, était bruyant
assez. Il se peut d’ailleurs qu’il ait agi avec peu de sagesse en se donnant
tant de mouvement car sa plaie se rouvrit, son sang coula à flots et quoi qu’on
fit pour l’arrêter, on ne le put. Le médecin y perdit son latin.
    Le diantre soit du latin ! m’apensai-je. Mon père, à sa
place, n’aurait pas employé le latin, mais un garrot qui, pour peu qu’on l’eût
bien placé, eût pu arrêter le saignement.
    — Il mourut donc, dit Madame de Brézolles, une larme
coulant sur sa joue, grosse comme un pois.
    Cependant, il n’y en eut qu’une, car après l’avoir essuyée
avec un mouchoir de dentelle qu’elle tira de sa manche, elle se leva d’un air
tout à plein résolu et me dit :
    — Monsieur, vos Suisses doivent se languir au bas de
mon perron. Allons les voir !
    Tout le temps que nous cheminâmes côte à côte, du petit
salon jusqu’au perron, la marquise demeura à mes côtés, close et coite et
plaise à toi, lecteur, de me permettre de profiter de ce petit répit pour te
décrire la dame.
    Sa taille tirait quelque peu sur le petit, mais il n’y
paraissait guère car elle n’avait pas les jambes courtes, tout le rebours. Et
comme sa taille était fine et son cou long, l’ensemble lui donnait une
silhouette svelte et une allure élégante. Toutefois, elle était loin d’être
maigrelette. Son décolleté ne montrait pas de salières et ses tétins
pommelaient. Ses talons hauts la haussaient encore et pareillement une
émerveillable chevelure de bouclettes brunes et drues qui s’élevait comme une
grande auréole autour de son visage. Ses yeux étaient mordorés, vifs et fins,
son nez légèrement aquilin, ses lèvres bien dessinées tirant sur le charnu, ses
dents petites et blanches et son sourire, dès l’abord, vous prenait le cœur,
tant il était tendre et gai. Cependant, l’ossature de son visage qui tendait
non vers l’ovale, mais vers le carré, son menton bien dessiné, sa démarche
résolue, témoignaient assez que sa suavité féminine cohabitait avec une volonté
qui n’était ni faible ni vacillante. La belle, je l’eusse juré, gardait en
toute occasion les deux pieds sur terre, ne s’en laissait conter par personne
et avait l’œil sur ses intérêts. Preuve en était, de reste, la façon
circonspecte et inquisitive dont elle avait accueilli ma requête, sans que son
entretien cessât pour autant d’être agréable.
    Les Suisses de Hörner étaient alignés à la perfection au bas
du perron, les chevaux ayant la
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