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La gigue du pendu

La gigue du pendu

Titel: La gigue du pendu
Autoren: Ann Featherstone
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Beaucoup paraissaient las, les yeux cernés, et sur leurs visages hagards, dans leurs mouvements douloureux, leur joie semblait forcée. La petite Princesse, en particulier, avait l’air bien frêle, le teint cireux, et elle avait beau afficher sa gaieté, je l’observais qui fronçait les sourcils, paraissait soucieuse, distraite, et tirait sans arrêt sur son manchon. Moi aussi, peut-être, montrais-je de l’inquiétude aux yeux de qui aurait bien voulu me prêter attention. J’avais beau faire tout mon possible pour combattre la mélancolie, pour rire, boire, être en joie, j’avais le cœur vide, et toutes ces réjouissances me semblaient déplacées. Je songeais à Pikemartin et au Grand Méchant, et je le regardais, la main tremblante tandis qu’il buvait en contemplant sa fille au bras de Will. La bouche de Mrs Gifford était tellement serrée qu’elle s’effaçait presque, tandis qu’elle tripotait ses gants. Même le sourire de Mr Abrahams paraissait forcé, et sa jovialité feinte.
    Je n’étais décidément pas d’humeur à faire la fête et j’ai décidé de m’en aller. Je me suis promptement faufilé sans bruit à travers le salon, longeant les tableaux de papillons accrochés au mur et les chatons empaillés qui jouaient à cache-cache parmi les fleurs séchées. En arrivant sur le palier, la porte refermée derrière moi, le silence m’a enveloppé. À vrai dire, l’Aquarium n’est jamais vraiment silencieux. Les bruits de la ménagerie descendaient par la cage d’escalier, et ceux de la rue montaient du hall. L’escalier lui-même craquait, grondait. Je l’ai si souvent emprunté, traînant mon ombre derrière moi, que j’en connais intimement chaque marche : celle qui gémit, celle qui n’est pas plane, celle qui a un trou, un clou protubérant ; et puis la rampe fendue, la partie qui gronde et grince près de l’étagère où est posée la petite maison en coquillages. Je connais chaque pouce de cet escalier, depuis les lambris vernis qui le bordent jusqu’aux pilastres lisses et aux barreaux sculptés.
    Jusqu’au deuxième étage, il est plutôt majestueux. Il menait autrefois, m’a expliqué Mr Abrahams, aux salons d’apparat, car les propriétaires cherchaient à impressionner leurs clients potentiels – mais je n’ai jamais su quelle marchandise ils stockaient ou vendaient. Peut-être ces grandes salles accueillaient-elles jadis de superbes tapis, des meubles d’Orient, de la porcelaine, ou des statues. En effet, au premier étage se trouve un superbe miroir, de presque trois mètres de hauteur, dans un cadre doré, sculpté de grappes de raisin et autres fruits. Mais quand on arrive là seul, dans la faible lumière d’un après-midi d’hiver, quand on aperçoit son buste dans cette glace, émergeant de l’escalier… il y a longtemps que j’ai appris à presser le pas. En montant au deuxième, je me hâte aussi en passant devant l’étrange portrait de cette dame mélancolique, qui de temps à autre verse de vraies larmes. Dessous est écrite cette légende, de la main de Mr Abrahams, j’imagine : « Portrait d’une femme qui pleure, vers 1423, Allemagne. Son chagrin est dû à la disparition de sa fille unique, enlevée, suppose-t-on, par des gitans. Le jour de sa fête, des larmes salées perlent sur la toile et coulent jusque dans la coupe qu’elle tient entre ses mains. »
    Je me suis arrêté et j’ai levé les yeux vers les ténèbres vertigineuses de l’escalier. J’ai songé combien il serait facile de me jeter dans l’oubli depuis ce palier. Je pourrais grimper sur la balustrade, fermer les yeux et attendre le froid contact avec le sol de marbre. Ou me procurer une des cordes de Mr Calcraft, l’attacher à la colonne, faire un nœud coulant et me le passer autour du cou. J’y ai déjà songé. Bien des fois.
    Je frissonnais, aussi je me suis engoncé dans mon manteau, puis j’ai ouvert la porte donnant dans la salle. Elle était faiblement éclairée par des becs de gaz ainsi que par la Flamme éternelle, nouvelle venue, qui dansait, frémissait sous les vents coulis. Ma petite estrade, mon paravent, mes boîtes, mes balles, mes œufs et même mon pot à lait, tout avait disparu, je les avais emballés dans une caisse à thé, un beau jour, sous l’œil compatissant de Mr Abrahams, puis Pikemartin avait transporté le tout dans une pièce voisine, « Jusqu’à ce que vous en ayez à nouveau besoin, Bob », m’a dit notre bon
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