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La gigue du pendu

La gigue du pendu

Titel: La gigue du pendu
Autoren: Ann Featherstone
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patron en me tapotant le bras. Mais jamais cela ne se produira. Un jour, dans plusieurs années, j’imagine, quelqu’un découvrira mes affaires, lira l’écriteau peint en se demandant qui étaient Brutus, Néron, et leur maître, Bob Chapman, et pourquoi les œufs de faïence et les liasses de lettres sont rangés avec tant de soin dans cette boîte à thé, puis la personne haussera les épaules et mettra tout au feu. Alors je voulais jeter un coup d’œil à tout ça, peut-être pour la dernière fois, je désirais revoir l’endroit où j’avais travaillé, ma petite loge, car je pensais de plus en plus à Titus Strong, en me demandant s’il me prendrait quand même, avec ou sans charrette, comme simple laboureur. Avec Pilgrim, peut-être.
    Mon coin avait été réaménagé et, à la place de ma loge, il y avait désormais une vitrine pleine de chouettes empaillées et un énorme cabinet de bois noir incrusté de nacre, peint d’étranges signes et symboles : le cabinet de magie du Dr Dee. Accroché au mur, à la place de mon portrait de la reine, un petit panneau de la main de Mr Abrahams : « Exposition temporaire. » Je me suis soudain aperçu que je ne me rappelais pas avoir rangé le portrait dans la caisse à thé avec mes autres affaires, aussi je me suis penché pour voir s’il n’aurait pas glissé derrière la vitrine aux chouettes. En effet, il était bien là, coincé entre le cabinet de magie et le mur. Le récupérer ne s’annonçait pas facile, mais j’étais déterminé à le reprendre et j’ai tenté de me glisser derrière la large vitrine, qui présentait le meilleur de l’art des taxidermistes, quand j’ai entendu grincer les marches, puis quelqu’un ouvrir la porte palière. Songeant que ce devait être Trim ou Will qui venait me chercher – ils envisageaient d’aller souper plus tard au Cheese –, j’ai souri et j’ai songé à rester caché là pour leur faire une farce !
    Cependant je voulais d’abord mettre la main sur le portrait, mais j’ai eu beau me démener, je ne parvenais pas à l’atteindre. J’ai vu alors autre chose : l’un des œufs de Néron, couvert de poussière et de toiles d’araignée. Je devais aussi le récupérer. Je suis resté accroupi et j’ai appuyé l’épaule contre le cabinet pour le déplacer, mais il était solide et très lourd : il me fallait de l’aide. J’allais me relever pour appeler mes amis quand je me suis arrêté net : j’ai soudain réalisé que ce bruit de pas nonchalant était celui d’une personne qui s’arrête pour regarder les vitrines et autres curiosités exposées. Il s’agissait d’un visiteur, peu familier de l’Aquarium. Pas de l’un d’entre nous. J’ai passé la tête de l’autre côté du cabinet. Mais l’inconnu s’était avancé dans la pièce et, dans l’ombre, je ne le voyais pas. Alors, je me suis penché et, sous la table où étaient disposées les épées de cérémonie et les dagues, tout autour de la Flamme éternelle, j’ai aperçu des bottes noires, une canne à l’extrémité d’argent et un long pardessus noir d’excellente facture, dont le bas semblait mouillé – mais pas trempé comme s’il avait marché dans la neige. Non, ce n’était pas le manteau de quelqu’un qui serait allé par les rues, même sur une courte distance. C’était plutôt celui d’un homme qui arrive en voiture et n’a que deux pas à faire avant d’entrer.
    S’il s’agissait d’un visiteur, ai-je réfléchi, alors il avait dû passer par-derrière, car j’avais tiré le verrou de la porte principale derrière moi. J’ai retenu mon souffle. Le danger planait dans l’air, mais je ne pouvais m’en aller sans attirer l’attention.
    Puis j’ai entendu de nouveaux bruits de pas, légers, rapides – à nuls autres pareils. Sous la table est apparue une paire de souliers miniatures, lacés de rubans roses.
    « Je ne peux pas rester longtemps ici, a dit la Princesse d’un ton étrangement sec. Mes amis m’attendent.
    — J’espère conclure notre affaire promptement, a répondu l’autre d’une voix grave et raffinée que je ne connaissais pas.
    — C’est très simple. Je veux mon argent. Le Grand Méchant a dit… eh bien, c’est à vous que je dois m’adresser. »
    Silence. Le gentleman tapotait le sol, du bout de sa botte noire.
    « George Kevill a dû laisser un joli paquet et je veux ma part. »
    Silence, de nouveau, jusqu’à ce que la Princesse pousse un
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