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La force du bien

La force du bien

Titel: La force du bien
Autoren: Marek Halter
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que je vais être mis sur la piste d’une femme exceptionnelle, d’une de ces Justes que je cherche. Elle n’est pas sur ma liste, une liste que j’ai patiemment établie grâce aux témoignages des sauvés. Personne, jusqu’ici, ne m’a parlé de cette femme. Le jeune rabbin qui me la signale me rappelle ainsi à mon projet. Il me tire du côté de la vie.
    Comme cette femme, Iréna Sendler, a tiré du côté de la vie deux mille cinq cents enfants juifs, qu’elle a sortis du Ghetto à la barbe des Allemands !
     
    Ainsi, dans ce cimetière juif disloqué, presque oublié, aux stèles harassées, envahi par le lierre et les repousses de bouleaux, il m’est révélé qu’un être humain, ici, à Varsovie, a fait l’impossible.

2.
    Une minuscule chapelle de la Vierge, badigeonnée de blanc, s’adosse à un pan d’immeuble, comme souvent en Pologne. Je suis dans une cour carrée délabrée autour de laquelle, de manière typiquement polonaise, se regroupent les bâtiments. C’est ici, dans le quartier populaire de Mokotow, qu’habite Iréna Sendler. Elle vit dans trois petites pièces de quatre mètres carrés, au deuxième étage d’un immeuble vétuste. Elle est âgée de quatre-vingt-quatre ans. Impotente, elle ne se déplace qu’à l’aide d’un déambulatoire. Mais son visage rond, solide, porte encore une expression juvénile. Elle sourit en plissant les yeux, avec des malices de fillette. Ses cheveux sont blancs, mais elle est coiffée comme une écolière des années trente : une barrette brillante, juste au-dessus de son front, retient une mèche lissée avec soin.
     
    « Tendre la main à quelqu’un qui a besoin d’aide ? dit-elle. Mais… c’est normal !»
     
    C’est au cours de cette première rencontre qu’elle me révèle avoir sauvé, avec la complicité de ses amis, une telle quantité d’enfants juifs. Elle s’occupait d’eux avant la guerre. Elle a continué sous les yeux des nazis ! Assistante sociale, elle faisait partie des rares personnes que les Allemands autorisaient à aller et venir à travers le Ghetto. Elle en a profité pour organiser la sortie, clandestine bien sûr, de ces enfants. Et c’est ainsi qu’elle a pu en sauver deux mille cinq cents.
    « Peut-être aurait-on pu en sauver davantage, ajoute-t-elle. Je me tourmente à cette pensée. On aurait dû en sauver plus encore. Nous étions jeunes, nous ne savions pas bien nous y prendre… »
     
    On m’a toujours affirmé qu’en Pologne les Juifs n’avaient trouvé personne pour leur tendre la main, et voilà une femme qui, avec l’aide de quelques amies, a réussi à sauver tant d’enfants ! Iréna Sendler sent ma surprise, mon incrédulité. C’est que je viens de penser à l’équation terrible d’une Juive polonaise, Margaret Acher, qui doit elle-même aux bonnes soeurs d’un couvent de Plody d’être toujours en vie :
    «  Il fallait mille Polonais pour sauver un Juif. Mais il suffisait d’un Polonais pour dénoncer mille Juifs . »
     
    Iréna Sendler m’avoue avoir longtemps désiré écrire son histoire, mais que la vie a passé trop vite. Elle a des témoins, des lettres de ses protégés qui, eux-mêmes devenus adultes, continuent de lui témoigner affection et reconnaissance. Elle me montrera tout cela dès le lendemain.
    Lorsque je reviens chez elle, à midi, elle m’attend en souriant. Elle s’est poudrée, elle s’est faite belle. Elle porte un beau collier de perles sur un corsage à petits carreaux blancs et bleus. Son regard pétille sous le cercle argenté de ses cheveux : ses documents, lettres et photos, sont prêts, ainsi qu’une trentaine de pages où court une écriture serrée.
    Elle me les tend :
    « J’ai pris des notes pour vous. Lisez-les. »
    Je m’exécute. Au bout de quelques lignes, je comprends qu’il se cache là tout une histoire. Son père, médecin, soignait sans les faire payer de nombreux Juifs démunis de son quartier. Toute son enfance, la petite Iréna l’a passée à jouer avec les enfants juifs de son âge. Elle parlait le yiddish. À la mort du médecin, frappé par le typhus, les représentants de la communauté juive ont proposé à sa mère de prendre en charge l’éducation d’Iréna, en signe de gratitude pour l’action de son père, dont ils voulaient honorer la mémoire. Sa mère, par fierté, avait décliné l’offre, préférant travailler dans un restaurant pour assurer les études de sa fille, mais elles
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