Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La force du bien

La force du bien

Titel: La force du bien
Autoren: Marek Halter
Vom Netzwerk:
l’étonne.
    « Tous ces gens étaient de Varsovie ! Je suis née dans cette ville. J’y ai toujours vécu, et j’y connais beaucoup de monde. Je peux dire que dans mon milieu les gens étaient bons. J’avais des listes entières de volontaires, mais j’envoyais la plupart des enfants dans les établissements religieux. Je savais que je pouvais compter sur les soeurs. Et puis il ne s’agissait pas seulement de sauver la vie de ces enfants. Je voulais les sauver pour ce qu’ils étaient, pour qu’ils sachent rester juifs. Je souhaitais que leurs familles puissent les retrouver après la guerre, ou qu’ils connaissent au moins leur origine s’ils devaient rester orphelins. Pour conserver leur véritable identité, masquée sous de faux noms polonais, j’ai dressé une liste. Ils étaient si nombreux ! Je notais par exemple : Marisia Kowalska égale Rachel Grindek . Pour des raisons de sécurité, j’étais la seule à posséder cette liste. Quand les Allemands ont fait irruption chez moi, en octobre 1943, j’avais pris mes précautions, et ils ne l’ont pas trouvée. Sinon, c’était la mort pour tout le monde : les enfants, leurs familles et toutes mes amies.
    — Où avez-vous caché cette liste ?
    — Une amie à moi était à la maison. Elle avait glissé la liste dans le revers de la manche du peignoir qu’elle portait. C’était une bêtise : si les Allemands nous avaient fait lever les bras en l’air, le papier tombait. Quand ils trouvaient un homme dans une maison, les Allemands lui faisaient lever les mains. Ils ne donnaient pas cet ordre quand ils avaient affaire à des femmes seules. Heureusement, mon mari était dans un camp de concentration : nous n’avons pas eu à lever les mains. »
    Après coup, je mesure l’énormité du propos : « Heureusement, mon mari était dans un camp de concentration » ! Nul doute que Mme Sendler ne se réjouissait en rien du sort de son époux. Mais le sauvetage de cette liste revêt à ses yeux une telle importance que, cinquante ans plus tard, elle en arrive à ce raccourci hallucinant.
    Elle poursuit :
    « Quand je me suis retrouvée à la prison de Pawiak, j’ai pu envoyer un message codé à l’organisation Zégota pour les rassurer : “ Soyez tranquilles, les Allemands n’ont pas la liste. ” Après la guerre, j’ai pu remettre cette liste à l’organisation.
    — Et les Juifs survivants ont pu récupérer leurs enfants ?
    — Oui. Et ceux des enfants dont toute la famille avait disparu ont été envoyés par la suite en Israël… »
    Ce sauvetage en masse me déconcerte. Je suis troublé. J’ai si ardemment désiré qu’il y ait eu des Polonais pour tendre la main aux Juifs en détresse, et, maintenant que j’ai en face de moi l’une de ces personnes, l’inaction des autres me paraît plus inadmissible encore.
    « Toutes mes amies étaient catholiques. Vous savez, quand on choisit d’être assistante sociale, cela veut dire qu’on a le sens du malheur d’autrui. C’était notre devoir.
    — Vous m’expliquez de quelle manière votre petit groupe a sauvé deux mille cinq cents enfants. Combien de milliers d’autres aurait-on pu sauver avec plusieurs groupes comme celui-là ?
    — Oui, bien sûr… Mais il aurait fallu deux choses : la volonté et le courage. Vous me regardez et vous croyez avoir rencontré la seule Polonaise sensible au malheur juif. Pas du tout ! Quand on longeait le Ghetto en tramway et qu’on voyait une mère jeter son enfant par la fenêtre d’un immeuble en flammes dans l’espoir que quelqu’un le ramasse, il aurait fallu être de pierre pour ne pas s’émouvoir. Beaucoup de Polonaises pleuraient, mais elles ne faisaient rien. Les gens avaient très peur.
    — Et vous-même, avez-vous eu peur ?
    — Oui, ça m’est arrivé. Mais on a de la bravoure, on a du courage quand on est jeune. Je voulais résister aux nazis. Je voulais sauver mon amie Eva, tendre la main aux victimes. Quand les Allemands m’ont arrêtée, j’ai dû marcher avec eux à travers la cour jusqu’à leur voiture. Je me demandais comment leur dissimuler ma frayeur. C’est en dominant ma peur que j’ai pu tenir… Aujourd’hui, je me rends bien compte que je n’ai pas fait tout ce que j’aurais pu. J’ai des remords, et j’en aurai jusqu’à la fin de mes jours… »
    Iréna pleure.
    Je suis moi-même très ému. Voilà une situation incroyable. Lorsqu’on interroge les pires bourreaux, des
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher