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La force du bien

La force du bien

Titel: La force du bien
Autoren: Marek Halter
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Avant-propos
    Le Bien existe-t-il ?
    Se manifeste-t-il en tout temps et en tout lieu ?
    Ce livre est l’aventure d’un homme qui va à la recherche de la moindre lueur, de la plus modeste étincelle de Bien dans le gouffre du Mal. C’est le récit d’un voyage dont je n’ai pas fini de guetter les échos – un voyage à travers les âmes, les consciences et les coeurs. De nos jours, ces mots font sourire. Or, au moment où se propagent sous nos yeux les injustices et les guerres fratricides, ces mots devraient être au centre de nos préoccupations. Sarajevo, Kigali, Alger, Grozny, Erevan, Lima, Quito – sans oublier le Proche-Orient qui n’arrive pas à se réconcilier avec la paix : la funèbre litanie des massacres d’aujourd’hui prolonge inexorablement l’extermination d’hier.
    «  Ni rire ni pleurer : comprendre  », écrivait Spinoza. Comprendre, donc, ces femmes et ces hommes qui, jadis, en des temps dominés par les lâches et les tueurs, n’ont pas hésité, eux, à sauver des vies.
    Il s’agit bien sûr d’une minorité, et, pour la plupart, de gens simples, spontanés. Ni des stratèges, ni des héros, ni des saints : des Justes. À chaque génération, ils sont là, selon le Talmud, pour soutenir le monde. «  Le monde repose sur trente-six Justes  », dit rabbi Abayé. «  Sur dix-huit mille  », dit rabbi Rabba. Et Pascal d’estimer à neuf mille ce nombre inestimable…
     
    Pourquoi n’ai-je pas songé plus tôt à cette part de notre mémoire ? Pourquoi ai-je attendu si longtemps pour retracer l’action de ces Justes, pour raconter leur histoire ? Peut-être étais-je, comme tous les Juifs, persuadé que le témoignage sur le Mal suffirait. Peut-être considérais-je, moi aussi, que le monde entier, sans exception, était coupable.
    Je sais que l’action de ces Justes ne diminue en rien l’infamie de ceux qui ont tué ou qui ont laissé faire. À la limite, elle les rend plus infâmes encore. Car, si des hommes ont tendu la main à des hommes en détresse, pourquoi d’autres ne l’ont-ils pas fait ?
    Il aurait fallu le dire depuis longtemps, le dire haut et fort : il y eut des individus pour nous permettre de ne pas désespérer de l’humanité. Et si j’en suis si soucieux, c’est qu’ils constituent les seuls exemples positifs de cette période de notre histoire. Il est urgent, me semble-t-il, d’essayer de comprendre cette conscience du Bien, telle que ces êtres l’ont manifestée au péril de leur vie. Elle m’intrigue et me force au respect. C’est elle, à travers les visages et les intonations, dans les lueurs qui s’allument au fond des yeux de ces gens âgés, que je veux tenter, même fugitivement, de saisir et de rendre sensible.
    Les voyages que j’ai dû faire, muni de quelques informations parfois énigmatiques, pour aller à la rencontre de ces Justes, il m’est difficile aujourd’hui de les éviter puisque les voici qui se déroulent à nouveau en moi au gré du fil discontinu des souvenirs. De tels voyages se recommencent sans fin. Les générations passent, mais la mémoire est peut-être notre seule et vivante éternité.
    Quelle place, dans la mémoire, réservons-nous au Bien ?
    Ne nous manquerait-il pas une mémoire du Bien ?
    Cette mémoire du Bien ne serait-elle pas notre unique espoir et, qui sait, notre dernière chance ?
    Mais qu’est-ce que le Bien ?

1.
    Ne pleure pas ,
    ne pleure pas mon enfant ,
    parce que le jour est triste ,
    parce que le jour est gris ,
    parce que le jour est laid .
    Sache qu’au-dessus des nuages
    le ciel est bleu ,
    toujours bleu .
     
    Tout commence, tout recommence, par une chanson yiddish, une berceuse composée par ma mère. Dès que je l’écoute, elle m’entraîne irrésistiblement vers mon enfance, vers Varsovie, où je suis né.
     
    Varsovie, donc, au commencement de ma quête. Plus de quarante ans que je n’y étais retourné. Une ville triste. En janvier 1994, il y fait froid, il neige. Les passants, toujours habillés à la soviétique (bottes boueuses, manteaux en plastique, fausses fourrures), traversent les rues en groupe, le pas pressé. Le ciel pèse. Les femmes s’enlaidissent de bonnets tricotés. Les vieux trams rouges passent en grinçant de toutes leurs ferrailles, et la plainte métallique de leurs freins, que je n’avais entendue depuis bien longtemps, me glace.
    Je contemple la Vistule. Ses eaux sont basses et laissent quelques bancs de sable à découvert. Dans
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