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La force du bien

La force du bien

Titel: La force du bien
Autoren: Marek Halter
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est devenu professeur d’université. Il s’appelle Haïm Vidal Sephiha. Vous souvenez-vous de lui ?
    — Haïm ? C’est le seul que j’aie retrouvé de toute la colonie… »
    Sans doute le hasard est-il maître de plus de la moitié des actions que nous croyons diriger. Le « hasard », donc, a voulu que Haïm Vidal Sephiha soit aussi un vieil ami. C’est un homme volubile et plein d’humour, qui habite, dans la proche banlieue de Paris, un pavillon dont ses livres et lui occupent tout un étage.
    « À l’époque, raconte-t-il, j’étais sioniste et je rêvais de devenir agronome pour partir en Palestine… À l’automne 1941, j’ai commencé des études à l’institut agronomique de Jean Bloom, dont Haroun Tazieff était diplômé. Dès la fin du premier trimestre, c’est-à-dire le 24 novembre 1941, j’ai reçu une lettre m’annonçant qu’en tant que Juif je ne pouvais pas poursuivre mes études. À ce moment, l’Association des Juifs de Belgique a décidé de créer une École d’horticulture et d’agriculture. Je ne savais encore rien du fond de l’opération, mais j’ai été contacté pour devenir une sorte de moniteur dans cette institution. C’est ainsi que je suis entré à la Ramée et que j’ai connu Haroun Tazieff. Pour moi, c’était un homme extraordinaire. Je l’admirais. Il représentait la simplicité et la santé – à la fois physique et morale.
    — Vous avez eu un hiver très âpre en sa compagnie.
    — Oui, c’était l’hiver 1941-1942. Je me souviens. On devait aller chercher l’eau dans un couvent, à côté, et nous y allions avec un tonneau qu’il fallait tirer à la force du poignet sur les pavés glacés – et, certains jours, il fallait aussi casser la glace dans le puits ! Mais Haroun Tazieff nous donnait le moral.
    — Quand l’avez-vous revu ? Longtemps après la guerre ?
    — J’avais gardé de cet homme un souvenir indélébile, je le répète. J’avais senti en lui une profonde humanité. C’est tout à fait par hasard, à l’occasion d’une conférence à la Sorbonne, où il présentait un film consacré à l’eau, que je suis passé derrière lui, à la fin de cette conférence, pour lui donner une petite tape sur l’épaule. Il s’est retourné et s’est écrié : “ Haïm ! ”
    — Votre itinéraire est vraiment particulier : vous vous trouviez à la Ramée, dans cette colonie qui vous protégeait des Allemands, mais vous avez tout de même tenu à aller à Bruxelles à vélo pour suivre les cours qui vous étaient interdits !… Comment ça s’est terminé, ce goût forcené des études ?
    — À ce moment-là, pas très bien… C’était après le départ de Haroun Tazieff. Parce que j’étais juif, l’université de Bruxelles m’était fermée par décret des autorités de l’Occupation. Mais l’université avait contourné l’interdit en transformant les cours en conférences publiques, auxquelles tout le monde, et pas seulement les étudiants, pouvait assister. Plus besoin, donc, d’exhiber une carte ou une quelconque preuve de ma qualité d’étudiant. En revanche, il me fallait dissimuler ma qualité de Juif. Pour pénétrer dans le bâtiment, je devais donc prendre soin d’ôter mon étoile jaune, qui tenait par six boutons-pression. Quand je ressortais, je la remettais. Un jour, j’ai oublié de la remettre, et j’ai été cueilli à la descente du tram, tout près de chez mes parents, et embarqué aussitôt. Pour finir, j’ai été déporté avec tous les Juifs belges arrêtés. À Auschwitz-Birkenau, je suis devenu le numéro 151752.
    — Ce numéro… Vous le connaissez par coeur !
    — Mais bien sûr ! Pendant deux ans, ce fut mon nom ! Tenez, il est toujours là, gravé sur mon bras. Mon nom avait disparu. Plus de Haïm, plus de Vidal ni de Sephiha – rien. J’étais seulement einhunderteinundfünfzigtausendsiebenhundertzweiundfünfzig . »

59.
    Un numéro, le 151752, a été condamné à mort, et c’est un homme, Haïm Vidal Sephiha, qui fut sauvé. Quel symbole !
    J’aurais pu terminer là cette enquête.
    Mais une question insidieuse, insistante, comme venue du fond de ma conscience, me taraude depuis le début de ma recherche et ne me laisse pas en paix :
    «  Et toi, vraiment, qu’aurais-tu fait dans les mêmes circonstances ?
    —  Moi ?
    —  Oui, toi ! »
    Comme j’aurais aimé, comme j’aimerais pouvoir répondre en toute sincérité que j’aurais agi
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