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La force du bien

La force du bien

Titel: La force du bien
Autoren: Marek Halter
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D’abord parce que je voyais qu’ils étaient en danger. Et puis je ne supportais pas que l’on persécute des gens à cause de leur culture, de leur religion… Non, je ne le supportais pas ! Et pas davantage aujourd’hui !
    — Selon vous, pourquoi si peu de gens ont-ils tenté de sauver des Juifs ? Pourquoi tant de gens n’ont-ils rien fait ?
    — Il fallait avoir l’occasion de faire quelque chose. Moi, à ce moment-là, j’en ai eu la possibilité. Vous savez, je n’étais pas à une heure près… Alors, j’ai fait ce que j’ai pu.
    — L’occasion… oui, je veux bien. Mais il y fallait de la volonté et du courage, non ? Avez-vous eu peur ?
    — Peur ? Je ne sais pas. Peut-être. L’angoisse pour ce fameux télégramme, oui. Quant à la volonté… ayant la possibilité d’agir, je ne pouvais pas ne pas le faire. Non qu’on me l’ait demandé : c’est moi qui l’ai décidé. Je n’allais pas me refuser à ce que j’avais moi-même décidé !… »
     
    Giorgio Perlasca n’est pas sans me faire penser à cet autre Juste venu d’ailleurs, d’un très lointain ailleurs : Tempo Sugihara, ce consul japonais qui a sauvé des milliers de Juifs de Lituanie pris en tenaille entre Soviétiques et Allemands. Pour mener à bien son action, Tempo Sugihara, consul en exercice, avait dû enfreindre les consignes de son gouvernement. Giorgio Perlasca, lui, s’est improvisé consul d’un pays qui n’était pas le sien pour délivrer des sauf-conduits à des milliers de Juifs de Hongrie – et un autre Juste, resté anonyme, a su, depuis Madrid et sans le connaître, conforter son action. Comment ne pas être troublé devant ces Justes qui, d’instinct et d’un pays à l’autre, s’inventent des moyens propres à sauver des vies ?

58.
    On m’avait appris qu’il existait «  des choses que l’intelligence seule était capable de chercher, mais que par elle-même elle ne trouverait jamais. Que ces choses, l’instinct seul les trouverait, mais qu’il ne les rechercherait jamais [6]  ». Or, les Justes, qui ont trouvé sans chercher, et d’instinct, contredisent cette réflexion.
    Dans l’espoir d’approfondir cette question, je réponds à l’invitation des organisateurs du Congrès international des enfants cachés. Celui-ci se tient à Jérusalem. Des sauvés et leurs sauveteurs, pour la seconde fois depuis un demi-siècle, vont y échanger leurs souvenirs, leurs joies, leurs larmes. C’est là que je rencontrerai ma première Juste de Belgique : Andrée Guelen.
     
    Andrée Guelen est une femme distinguée. Cheveux argentés, collier de perles et boucles d’oreilles lançant des reflets de nacre, elle parle la tête haute, le buste droit. Tout en elle respire la droiture. Parfois, pour de brefs instants, son regard cherche au loin, vers le haut, à mieux faire émerger ses souvenirs. Un souci d’exactitude l’anime, et d’emblée elle éclaire son rôle de l’époque :
    « Je veux d’abord préciser une chose : je n’étais qu’un des membres du réseau. Je ne l’ai pas organisé, c’est Yvonne Jospa qui l’a mis sur pied. J’étais un petit soldat dans la rue, mais un petit soldat qui a eu le meilleur du travail puisqu’il a eu – puisque j’ai eu – le contact avec les enfants ! Cinquante ans après, ce contact est maintenu. Alors, à la question que vous me posez – pourquoi ai-je fait ce travail –, je répondrai par une autre : qu’aurais-je dit à mes enfants, aujourd’hui, si je n’avais rien fait ?»
    Je suis touché par cette réponse dont l’évidente dignité ne revendique rien pour elle-même, sinon un sentiment de nécessité morale. Néanmoins, cette projection dans le temps, vers le futur, vers ses enfants « à elle » (alors qu’elle n’était pas encore mère), me pousse à une autre question :
    « Avez-vous vraiment pensé à cela à l’époque ? Quel âge aviez-vous alors ?
    — J’avais vingt ans… Disons qu’à l’époque j’étais pressée par l’idée que je ne supporterais pas, plus tard, de me dire que je n’aurais rien fait. Avant d’être contactée pour entrer dans le réseau, j’avais déjà, et seule, commencé mon ouvrage, puisque je cachais des enfants juifs au sein de ma famille. Pour les besoins du réseau, j’ai accepté, en y entrant, d’abandonner mon poste d’alors, dans l’enseignement.
    — Vous êtes d’une famille catholique ?
    — Non. J’appartiens à une famille de
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