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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate
Autoren: Pierre Naudin
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Espagne !
    – Cela semble vous déplaire.
    , Ogier secoua la tête et se demanda, si l’on dansait, quel seigneur ou quel damoiseau serait son chevalier. Blandine ne lui appartenait pas. Elle n’était rien pour lui. Il se sentait se partager. Le gars fort se disait : « Après tout, elle est libre, et d’ailleurs ses parents seront présents. » Le faible protestait : « Elle peut faire une heureuse rencontre et ses parents l’encourager ! » Pour aggraver ce mésaise, Blandine riait, décelant peut-être, pour la première fois, le pouvoir qu’elle pouvait exercer sur un homme :
    – Messire, ne faites pas cette tête !… Voyez.
    Sans que ce geste eût été prévisible, elle plongea la main dans son corsage et en tira un fin coupon d’étoffe plié en quatre.
    – C’est de l’yraigne (14) blanche et rouge, en chevrons… J’ai porté ce volet à mon cou cet hiver… Il est à vous. Ce sera mon gage… et le vôtre.
    Ogier tâtait cette douceur tiède encore du nid de chair d’où elle sortait. C’était suave et grisant, d’une légèreté de nuage ; si subtil, si virginal qu’il n’osait trop appuyer.
    – Damoiselle ! Je ne pouvais souhaiter plus belle enseigne ! Je la nouerai à ma cubitière.
    Ah ! le plaisir de l’y attacher ; de se dire, même en sachant que c’était faux : « Ce voile soutiendra mon ardeur. » Il éprouvait une volupté réelle à penser que ce témoignage de reconnaissance, d’amitié et peut-être d’amour, avait reposé entre deux seins menus, remué au souffle de la pucelle, si léger, si fragile et si soigneusement plié qu’il passait inaperçu.
    – J’aimerais vous donner un baiser !
    La petite main quitta le bras, où elle ne pesait guère. Blandine fit un écart. Elle avait rosi. À l’encontre des donzelles qu’il avait connues et qui lui auraient tendu la joue, le front, la bouche, celle-ci semblait s’apeurer.
    Il continuait de palper le voile blanc et vermeil ; lorsque Blandine regardait ailleurs, il le humait vivement, excité par cette senteur charnelle. Dès qu’il aurait restauré son honneur, il galoperait jusqu’à Poitiers ; il demanderait à Herbert Berland cette main que Blandine lui avait reprise. Et soudain, ses espérances tombèrent :
    « Si pour lui faire honneur, je suis un des meilleurs aux joutes, le Roi d’armes, les juges… d’autres encore me voudront au tournoi ! »
    – Que vous prend-il, messire ?… Parlez-moi, je vous prie…
    Isabelle… Isabelle avec pour sceptre son intransigeance et pour couronne sa déraison !… Isabelle et son ressentiment âcre et inguérissable : souverain… Isabelle en quête de victime et d’assouvissement… Elle serait d’autant plus intraitable envers lui que sa tante attiserait son courroux… À moins qu’elle ne s’en prît à Guesclin…
    « Champartel a raison : il me faut renoncer à faire armes lundi. D’ici là, je trouverai un argument convenable. »
    Un découragement le gagna, cependant ; il crut y remédier en déployant le voile :
    – Il est beau !… Dès ce soir, je le porterai sur mon cœur.
    Ses yeux croisèrent ceux de la jouvencelle, et plus encore qu’au moment de leur rencontre, il y vit un plaisir sans doute égal au sien. Puis une déception :
    – Nous sommes arrivés, messire… Il faut nous quitter.
    – Déjà !
    Il était indécis, désemparé. « Je l’aime… Je l’aime ! » La souffrance annoncée par Arnaud Clergue. « Je l’aime ! » Cette révélation le poussait vers Blandine, la sueur au front, le rouge aux joues et le cœur gros. La quitter comme n’importe qui ? Non ! Non ! Il lui fallait autre chose, autre chose de moins palpable, certes, mais de plus capiteux qu’un rectangle d’yraigne d’une fragilité toute pareille à leur dilection commune.
    Sans pouvoir résister plus longtemps à l’impétueuse tendresse où le plongeait l’expression anxieuse de la jouvencelle, il posa sur son front un baiser malhabile.
    – Oh ! messire.
    Elle avait protesté, rougi d’indignation.
    – Ne recommencez plus jamais !… Jamais !
    Elle franchit le seuil de sa maison dont elle repoussa violemment la porte.
    Il s’éloigna, malheureux, le voile si troublant boulé dans sa paume, sans être tenté de le sentir ou de le déployer. Se retournant au détour de la rue, il vit Blandine immobile sur le seuil de son domicile. Aucun doute : elle le contemplait avec un intérêt dont il pouvait
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