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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate
Autoren: Pierre Naudin
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ont dit se réserver pour le tournoi. Tancarville et Guînes en ont fait autant. Ils semblent avoir craint, eux, de se faire mal… Ce sont d’étranges chevaliers que le duc commande à Aiguillon !… Jourdain de Loubert, le sénéchal du Poitou, a occis d’une brisure de hampe Lionel de Mercœur, de la suite de Charles d’Espagne. Le bois rompu a glissé de bas en haut sur l’écu. Le heaume, avec la tête, s’est comme démanché du corps. Le sénéchal a décidé de se retirer… Garin de Linars s’est brisé une jambe ; on l’a emporté.
    – Grand bien lui fasse !… Il m’inquiétait… Y eut-il d’autres morts ?
    – Deux, à ce qu’il paraît.
    – Les Teutoniques, dit Denis, jusque-là silencieux, n’ont couru, eux aussi, qu’une lance… l’un contre l’autre et sans se courroucer…
    – Cela ne m’étonne pas : les statuts de l’Ordre devaient les empêcher de faire mieux, surtout s’ils en portaient la croix. Ils sont venus à Chauvigny pour autre chose… Peu me chaut ce dont il s’agit. Continue, Denis, continue…
    – Messire, je ne sais trop qu’ajouter. Depuis ce matin, j’ai vu des hommes s’affronter ; sauf quand l’un d’eux ne pouvait se relever en raison de quelque membre brisé, c’était toujours la même chose : une course, deux, et quand c’est insuffisant pour s’entrenuire, une troisième où le sang coule. Je conçois que vous soyez demeuré à l’écart sans pour autant comprendre quelle plaisance vous obtiendrez à exposer votre vie contre un Guesclin ou un Radigo de Lerga.
    Ogier sourit : Denis s’assagissait. Quant à lui, sitôt la soupe d’Hérodiade avalée, il était parti s’allonger au bord de la Vienne. Ainsi, restant à proximité du champ clos, il s’en trouvait suffisamment éloigné pour que ses rumeurs et son agitation fussent sans effet sur ses nerfs. Il avait calculé qu’on les appellerait à jouter, Thierry et lui, au commencement de l’après-midi ; maintenant, le soleil atteignait son sommet.
    Il s’assit, caressa Saladin allongé contre sa cuisse, puis secoua Thierry dont le chaperon couvrait le visage :
    – Réveille-toi si tu dors, Champartel. Nous allons manger un morceau, puis nous nous ferons beaux… Tu ne m’en veux plus ?
    – Non.
    L’écuyer avait voulu participer à la procession des compétiteurs dans la ville et autour de la lice. Pour éviter une excitation tout aussi dommageable à eux-mêmes qu’à leurs chevaux, – la cavalcade se faisant en armure pour les hommes et houssements pour les destriers –, il l’en avait dissuadé : « Nous pouvons transgresser cette coutume sans que le Roi d’armes ou l’un des juges nous en fasse grief. Que nous importent les regards et les cris des dames !… Laisse donc tous ces coqs se paonner dans les rues ! C’est sur le pré qu’il convient d’être admiré ! » Derrière Olivier de Fontenay, les hérauts et les ménestrels, derrière une grande levée de bannières, ils avaient vu les hommes de fer s’éloigner lentement deux par deux, leur lance personnelle changée en gonfanon par un pan de chemise, une manche ou un blanchet, voire un braiel de femme. Ah ! qu’ils étaient fiers – tous Lancelot ou Perceval. Dès leur retour, après leur passage devant les échafauds où seules restaient vacantes les places de l’évêque et des ecclésiastiques, les galops avaient commencé…
    – Allons manger, Thierry, un bout de lard sur du pain, puis avalons une gorgée de vin, pas plus. Il importe de ne se charger ni l’estomac ni la vessie : nous ne quitterons notre armure que ce soir… Allons, viens !
    Ils déjeunèrent. Ensuite, Marcaillou rasa la moitié de leur crâne, du milieu au devant pour qu’ils ne pussent être incommodés par le moindre cheveu. En outre, s’ils perdaient leur heaume au tournoi – « À condition que j’y participe », se dit Ogier, sous le rasoir – il serait impossible de les attraper par leur chevelure.
    – Ben vous ! s’exclama Hérodiade, avec vos nouvelles goules, vous gagneriez fortune à chanter dans les rues.
    Ogier l’enveloppa d’un regard dont l’admiration n’était pas feinte. Elle avait rassemblé sa longue coiffure en tresses et passé une des robes qu’Adelis eût dû porter.
    – Ce vert vous sied bien… Vous êtes… agréable.
    – Je n’en ai aucun mérite.
    – Vous avez de la… de l’estoc (17) .
    Elle rit et prit Apolline dans ses bras :
    – L’estoc ?…
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