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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate
Autoren: Pierre Naudin
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défense de mailles légères, puis on étendit sur le tout la housse longue, largement fendue sur le devant dont Ogier, la veille, avait raccourci le pourtour tandis que Thierry et Raymond allaient récupérer à Saint-Léger les bassinets et les écus mis en montre.
    – Nos coursiers sont prêts. Comme le vent a forci et tourne sans arrêt, ils ne s’entraveront pas dans leur houssement… Viens, Thierry, marchons… Allons voir les têtes des autres… Non, Saladin, reste-là… Tous doivent être nerveux et tu pourrais recevoir un mauvais coup…
    Ils contournèrent la tente de Bellebrune, puis celle de Lonchiens, silencieuses, et s’approchèrent, ensuite, de la cahute des Charlots. Guesclin s’y préparait. Ogier remarqua :
    « Pas d’armure… Un double haubert qui lui tombe aux genoux… Un écu bien couvrant, mais un peu lourd peut-être. Cette aigle, dessus, j’aimerais la voir craquer sous mon rochet !… Y parviendrai-je ?… Cela me paraît impossible… Ce gars a la force d’un démon… »
    Passer, feindre d’ignorer le Breton… Trop tard !
    – ?… Prêt, à ce que je vois !
    – Je le suis, en effet, dit Ogier, paisible.
    – Prêt à te trouver bientôt les fers disjoints et le cul par terre ?
    Guesclin se rengorgeait, faisant valoir son menton court, son cou épais, ses épaules ; et pour jouir de l’effet obtenu par sa question, il se pencha, les yeux clignant au point qu’Ogier se demanda s’il avait la vue courte. Dissimulant tant bien que mal son courroux, il répliqua comme s’il sermonnait un enfant maladif :
    – Coiffe ton bassinet, Bertrand : tu vas prendre froid et en outre, ainsi, nul ne verra plus ta hure, surtout les dames, que tu sais si bien effrayer… Et plutôt que de t’affliger de ce conseil, va te faire empaler par Charles de Blois : si ça ne te rendra pas plus joli, ça te fera – qui sait ? – plus avenant.
    Comme il tournait le dos et riait, entraînant son écuyer dans cette gaieté de surface, Ogier entendit dans son dos un bruit sec. C’était une pierre. Une autre suivit ; Thierry se retourna :
    – Saligots !
    Et recouvrant sa gravité :
    – Qu’est-ce qu’ils sont sots, messire !
    – Hé oui. À eux seuls, ils préjudicient toute la Bretagne !
    Devant eux, la foule – palefreniers, chevaliers, sergents, chapelains et mires – s’ouvrait avec des remous lents et compassés. Ici, des seigneurs se préparaient sous les regards plus ou moins envieux des jouteurs du matin. Là, un fèvre ouvrait une jambière à la tenaille et dégageait une cheville noire, enflée – cassée – si douloureuse que pour ne pas gémir, le blessé mordait sa ceinture d’armes. On étanchait le sang des malchanceux avec de l’eau puisée dans la Vienne ; un homme gémissait, menton, lèvres et dents arrachés : son viaire en cédant l’avait défiguré. On fixait des attelles à la jambe d’un damoiseau de quinze ans, et il souriait. Au-dessus d’un mourant, un clerc égrenait son chapelet :
    –… et que la grâce du Seigneur Jésus soit avec toi…
    Certains hommes à peine sortis de leur armure, et assis sur un banc, s’entretenaient à voix basse ; d’autres rêvaient, solitaires, près de leur heaume privé de son emblème. La plupart, souvent, frottaient leur dextre, leur poignet, leurs bras douloureux et leur poitrine. Avaient-ils failli ? Avaient-ils succombé devant quelque écuyer inconnu ? La contagion de la fureur que tous avaient subie avant d’entrer en lice refluait de leur cœur, et leur face glabre ou barbue n’exprimait plus qu’une lassitude intense, lourde comme ces fers qu’ils venaient de quitter. Certains courbaient le front : ils avaient chu une ou deux fois ; au lieu de les énamourer, ils s’étaient fait huer par les dames, et cette sévérité, Ogier la perçut dans sa chair : la vergogne et le dépit de n’être rien lui étaient familiers. Il vit Lerga saluer Charles d’Espagne, taciturne et compassé, puis entrer sous un pavillon. Il passa devant quatre ou cinq hommes étendus, gémissants, le fer, les mailles gluants de vermillon, et fut gêné d’être solide au point qu’un de ces malchanceux eût pu lui lancer : « Pourquoi n’étais-tu pas avec nous, ce matin ? Qui es-tu ? » Thierry, compatissant, dit les mots qu’il fallait :
    – On se croirait à l’issue d’une guerre !
    – Oui… C’est pourquoi il vaut mieux défier deux ou trois « grands » que de
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