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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate
Autoren: Pierre Naudin
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Ah ! parlons-en. C’est ni plus ni moins, messire, un vêtement de prix dont les femmes se parent quand la nécessité s’en fait sentir. Riches et pauvres, nous sommes toutes à facettes comme des pierres bien taillées : rêches et douces, lubriques et frileuses, dignes et provocantes…
    « Pas Blandine », songea Ogier tandis que Thierry interpellait la bateleuse :
    – Parle moins : tu nous casses les oreilles.
    Sous la ramure aux feuilles pâles, l’écuyer semblait blafard. Sans doute tremblait-il de crainte et d’émotion. Pour le moment, il n’y avait rien à lui dire. Les exhortations et les conseils eussent été vains. Il devait s’endurcir.
    Un long bourdonnement retentit, puis des cris ; ce devait être le premier heurt d’adversaires inconnus. Encore deux autres.
    – La frainte (18) a cessé, dit Denis. Le vent devient plus fort, on dirait…
    Où Blandine se trouvait-elle ? Comment avait-elle passé la soirée de la veille ? Avait-elle dansé ? Un chevalier ou un écuyer s’était-il proposé de porter ses couleurs ? Quelle tête avait-il fait en apprenant qu’un autre les arborerait à son bras ?… S’il en était amouré, ce prétendant pouvait venir le défier…
    « À condition qu’elle lui ait dit mon nom, ce dont je doute. »
    – Commençons-nous à vous adouber ? demanda Raymond. Ça prendra du temps…
    – Oui, bien sûr, dit Ogier, tiré de sa mélancolie.
    Ce serait une opération fastidieuse car il fallait, avant de se couvrir de fer, se protéger d’un matelassage bien seyant, assurant une sécurité complète tout en n’étouffant pas et en laissant au corps une assez grande liberté de mouvements. Les vêtements capitonnés de coton et de filasse avaient été confectionnés en double par les femmes de Gratot. C’étaient des hauts-de-chausses feutrés, gros de trois doigts ; un pourpoint de bourras (19) plus épais encore, renforcé aux bras, aux épaules et au col, et un autre de cuir bouilli, fortifié de menus bâtons cousus sur tout le côté gauche, puisqu’il subirait les heurts. Quand Denis et Hérodiade en eurent couvert Champartel, Ogier, que Raymond et Marcaillou aidaient à se préparer, demanda :
    – Comment te sens-tu, Thierry ?
    – Un peu goin (20) .
    – Surtout, Hérodiade, veillez à ce que ces habits de dedans ne fassent aucun pli, car s’il avait quelque agassin au mollet ou à la hanche, il ne pourrait se gratter… Mets-moi aussi cette brassière, Raymond… C’est pour protéger l’endroit où Renaud m’a touché… Sous un coup, la chair toujours fragile pourrait se déchirer… Ah ! pendant que j’y pense, n’oubliez pas de tenir prête la sangle pour mes étriers.
    Sans plus parler, les deux jouteurs se laissèrent passer leur harnois de fer en commençant par les jambes pour finir par la cuirasse et la dossière. Leurs aides fixèrent ensuite les suspieds de leurs éperons. Les gantelets restant à terre, Apolline s’en amusa.
    – Hérodiade, allez quérir votre fil et votre aiguille.
    – Et pourquoi, messire ? On ne peut rien piquer là-dedans !
    Ogier ouvrit sa main qui, tout au long de ces préparatifs, était restée crispée sur le voile blanc et rouge :
    – Cousez ce volet à ma cubitière senestre. Faites en sorte qu’il ne s’en décroche pas et qu’on le voie bien.
    La jongleuse cousit l’emprise à points menus, un sourire quelque peu moqueur aux lèvres. Quand elle eut achevé, levant les yeux, elle s’exclama :
    – Oh ! voyez…
    C’étaient des pies, une dizaine, attirées par l’éclat des métaux. À cet instant, des hurlements dispersèrent les oiseaux : ce devait être la deuxième course des inconnus ; et déjà, dans le silence recouvré, on entendait les cris des marchands proposant au public boissons et victuailles.
    Denis et Marcaillou allèrent chercher les chevaux. Avoinés au lever du jour, ils étaient frémissants et les veines gonflées. L’œil unique de Veillantif et ceux de Marchegai pétillaient.
    – Pas de mouches dessus, vous voyez, messire !
    Au matin, Hérodiade était allée leur baigner les paupières avec une infusion de sa composition.
    – C’est fort bien, dit Ogier. Ce sera un petit avantage sur nos émules… Allons, couvrez-les.
    On disposa sur les épaules et le garrot de chaque cheval le hourt destiné à sa protection. Il consistait en un mantelet de paille renforcé de menus bâtons cousus à l’intérieur. On mit par-dessus la
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