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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate
Autoren: Pierre Naudin
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En ce moment, avec dans ses prunelles et sur ses lèvres cette espèce de jubilation méchante, elle ressemblait à Isabelle.
    – Dame, de grâce : n’enviez pas damoiselle Blandine !… Il y a des hommes en bas qui, votre époux étant absent, aimeront arborer quelque chose de vous… Ce n’est pas ces hauteurs qu’ils fréquentent.
    Et sans malice, Ogier ajouta :
    – Sachez aussi que du fond du cœur, je vous souhaite les joies les plus douces et les plus profondes.
    Soutenant le regard courroucé de dame Géralde, il eut peur que Blandine pût pâtir, elle aussi, d’une malveillance sans frein ni antidote. Mécontenter la nièce et provoquer son ire, c’était déplaisant ; aggraver cette adversité par l’animadversion de cette femme en mal d’enfant, c’était trop. Mais comment l’apaiser ? Chez elle, en une nuit, la volupté du mal s’était peut-être substituée à celle de l’amour.
    « Elle n’a qu’à se faire foutre par Leignes – si ce n’est fait !… Il est vrai que si elle accouchait d’un enfant qui ressemble à ce rustique avec, en sus, des mains abominables… »
    Ogier ne put achever sa pensée : dame Géralde se penchait, sourcils froncés, bouche mauvaise :
    – Eh bien, demain, messire, on vous verra en lice !
    Elle émit ce petit rire barbelé qu’il commençait à détester autant que celui de sa nièce, puis se tourna vers son factoton :
    – Allons-nous-en, Raoul.
    Le sergent obéit comme un chien qu’il était ; un molosse dont les pattes antérieures reposaient l’une sur son épée, l’autre sur son poignard.
    – Dommage, dit-il en se détournant, que les sergents ne puissent béhourder comme les chevaliers de petite noblesse !
    « Un chien hargneux », songea Ogier tandis que l’étrange couple disparaissait au détour d’une rue.
    – Ah ! la mauvaise femme, commenta Blandine. On dit que son époux voudrait la répudier parce qu’elle est bréhaigne.
    Ogier trouva que la baronne avait suffisamment nui à leur bien-être pour lui consacrer un seul mot. L’harmonieuse douceur de leur tête-à-tête ne pouvait, semblait-il, se reconstituer. La jouvencelle essayait de prendre un air satisfait, mais son front plissé, ses yeux résolument tournés vers lui, Ogier, comme s’ils cherchaient un défaut à son visage, révélaient une gêne et une perplexité.
    – Elle semble vous avoir en détestation.
    – Je n’ai rien fait, pourtant, dont elle ait à se plaindre !
    « Si Blandine savait, elle me repousserait ! »
    Dame Géralde étant tenue au secret, pourquoi s’inquiétait-il ?
    Il s’assit de nouveau près de la jeune fille, un peu trop loin pour retrouver la tiédeur de sa jambe. D’un regard oblique, il entrevit son sein, assez petit ; il en fut troublé comme jamais encore et se souvint d’une prédiction d’Arnaud Clergue, peu avant son départ de Rechignac : «  Lorsque tu trouveras la femme de ta vie, elle sera ta joie et ta souffrance. » Il ne put différer davantage la question à laquelle une grande part de son destin semblait accrochée :
    – M’amie, avez-vous fiancé votre foi à un homme ?
    Elle sourit. S’attendait-elle à ce témoignage d’anxiété, révélateur d’un sentiment auquel elle attachait quelque importance ?
    – Mes parents voudraient me donner un époux… Je n’en veux pas… Venez.
    Ogier sentit la fine main de sa compagne se poser sur son avant-bras, comme s’ils dansaient.
    – S’ils nous voyaient ainsi seraient-ils moult courroucés ?
    – Ils sont avec monseigneur l’évêque… Les sergents de mon père lui dressent une tente, en bas… Nos deux servantes les ont suivis.
    Elle s’était gardée de lui répondre.
    – Quand pourrais-je vous revoir ?
    Il était contraint d’aller vélocement et craignit que sa brusquerie ne lui portât préjudice. Muette, Blandine regardait leurs ombres mêlées sur le sol.
    – Pas avant demain, près de la lice.
    À son soupir, il crut qu’elle allait dire : « Hélas ! »
    Il marchait lentement, tout à son bonheur, contemplant parfois la petite main posée sur son poignet et regrettant qu’elle le fût sur sa manche et non sur sa chair. Des doigts fins et nus, des ongles brillants et roses…
    – Ce soir, nous sommes conviés chez dame Alix… C’est une amie de ma mère…
    Ainsi, elle assisterait au banquet !… Qui serait placé auprès d’elle ? Pourvu que ce ne fut ni Blainville ni Alençon ni même
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