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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate
Autoren: Pierre Naudin
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par la proximité de cette pucelle, sensible aux subites rougeurs de ses joues lorsque leurs regards se croisaient ; ébahi que le plus fort de ses désirs fut de vivre auprès d’elle et non pas de goûter à ses lèvres, à son corps. L’image de Tancrède vint troubler ses pensées : « J’étais comme un guerrier assiégeant une place. » Il s’attendait à une longue lutte ; il y avait eu reddition. Ce n’était que ça  ? pouvait-il se dire… Avec Anne, autrefois, l’amour était réjouissance – et même réjouissance – ; avec Aliénor et Clotilde une bonace dans des jours d’angoisse et de combats ; avec Guillemette un jeu, avec Bertine une empoignade… Mais l’amour vrai, comment était-ce ? Ah certes, il y avait eu Adelis et ç’avait été beau, et même chaste…
    – D’où venez-vous, messire ?
    – Du Pierregord, dit-il, prudent. J’y ai affronté les Anglais. C’est là que j’ai gagné mes éperons.
    Aux gonflements et plis de la jupe grise, il observa que la brise s’émancipait. Deux gros nuages blancs se formaient au couchant. Mais qu’importait le ciel et qu’importaient les gens : ce Talebast et ses hommes d’armes qui passaient sans leurs captifs et s’étonnaient de le voir en si belle compagnie ; ce moine – Pierre de la Garnière – ami du douteux Isambert ; ces commères et ces mendiants… Ils marchaient lentement, leurs coudes se touchaient et c’était agréable.
    Ils atteignirent les murailles. On y dominait des lieues de verdures et l’arc argenté de la Vienne. D’ici, on ne pouvait voir les pavillons, trefs et aucubes des appelants et défendants, mais le vent, décidément présent, soufflait sur les odeurs et la rumeur exhalées par la multitude.
    Blandine s’assit entre deux merlons et prit soin de ne pas froisser sa robe. Celle-ci, tendue de la hanche au genou, révéla une cuisse longue et ferme. Surprit-elle un regard vif et enveloppant ? Elle s’empourpra tandis que du bout de sa sandale, elle grattait le sol grenu :
    – Je pense que les déduits auxquels vous prendrez part sont bien déraisonnables.
    – Vous avez le cœur généreux et ne pouvez concevoir qu’on se courre dessus comme à la guerre, mais c’est pour garder la vie en de vraies batailles, damoiselle, que ces assauts ont été instaurés… et ils sont faits en l’honneur des dames !
    Ogier s’exprimait avec d’autant plus de conviction que sa cuisse venait de toucher celle de Blandine – laquelle ne s’effaçait pas.
    – Avez-vous très peur des joutes de demain ?
    Pour toute réponse, elle eut cette moue des fillettes qu’on admoneste et regarda, au-dessus des toits, le clocher de l’église Saint-Pierre. Observant ce profil furtivement songeur, Ogier se dit que Blandine avait dépassé l’âge de l’innocence, qu’elle était fille de chevalier, qu’elle avait l’air d’être heureuse et, pourtant, de s’ennuyer ; que ses yeux avaient l’éclat des pierres précieuses et que ses lèvres, brillantes elles aussi, devaient avoir le goût framboisé de leur couleur. Il découvrait avec une acuité douloureuse qu’il pourrait risquer sa vie afin qu’un seul regard de cette beauté lui prouvât qu’il avait gagné sa foi. La pensée qu’il ne s’attarderait pas en Poitou lui fut plus désagréable encore que la perception des périls assemblés autour de lui.
    – Craignez-vous de me voir malmené dès ma première course ?
    Blandine avait clos ses paupières. Nul doute qu’elle le voyait galoper. Elle parut hésiter et, toujours les yeux fermés, acquiesça de la tête.
    – Plutôt que m’offenser, cette frayeur m’est douce !
    Il riait ; il avait envie d’écraser ses lèvres sur ce front pur, envie de ceinturer cette taille si proche, envie d’écarter cette tresse, là, et de murmurer au creux de l’oreille petite et rose : « Je t’aime. » Mais Blandine imperceptiblement s’éloignait.
    – J’ai quelque angoisse, en effet, messire. J’ai vu en quel état mon père est revenu l’an passé après avoir couru contre messire Blainville… qu’il m’a montré ce matin… Je ne voudrais pas que cela vous advienne… Je ne sais pourquoi, ces liesses me destourbent… Peut-être parce que ce Blainville y est revenu et s’est moqué de mon père.
    – Damoiselle, dès que deux armes se heurtent, la mort accourt à ce bruit-là, surveille, fait son choix ou renonce… Et quand je dis « la mort », je pense :
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