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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate
Autoren: Pierre Naudin
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Dieu… Votre père est revenu à bon escient, car refuser de croiser l’acier, surtout dans un jeu parti (13) serait la pire des couardises… Bien que j’aie l’apparence d’un huron…
    – Ne parlez pas ainsi !
    –… je dois faire armes contre tous ceux que j’ai défiés… Et si je ne craignais de vous déplaire par trop d’empressement, je fléchirais le genou et vous dirais que je vous tiendrai lieu, à partir de ce soir, de serviteur humble et fidèle.
    – Messire, vous ne me déplaisez nullement ni d’ailleurs, je crois, à mon père, bien qu’il vous trouve aventureux.
    Donc, tout était possible.
    Le cœur d’Ogier cognait ; son esprit tressaillait d’un violent désir d’accomplir des prouesses. Que Blandine fut fière de lui ! Qu’elle criât d’allégresse après chacune de ses courses ! La simplicité de cette jouvencelle, sa bienveillance – il venait d’effleurer sa main sans qu’elle lui en fît reproche – ; cette bouche adorable où chaque mot prenait charme et valeur ; ce regard où il guettait une étincelle d’amour, tout lui donnait orgueil et fièvre.
    – Voudriez-vous, messire, arborer mes couleurs ?
    C’était une imploration murmurée ; pour lui, un coup de tonnerre. Il en rougit. Toutefois, si flatteuse qu’elle fut, cette requête le replongea dans une certitude amère : accepter, ce serait offenser Isabelle… Isabelle à laquelle il n’avait jamais rien promis… Thierry avait raison : il devait s’abstenir de paraître au tournoi ; c’était seulement là que cette forcenée pouvait le préjudicier… Et encore, pour le rendre justiciable des autres, fallait-il qu’elle eût une raison solide… Et puis, à quoi bon penser à tout cela en présence de Blandine !
    – Votre père…
    – Il m’a dit de choisir, qu’il n’objecterait rien… N’est-ce pas comme s’il était consentant ?
    Consentant ! La gorge d’Ogier, brusquement asséchée, lui interdisait tout propos. Blandine souriait avec un air complice et tendre. Leurs regards et leurs sentiments étaient bien trop mêlés, d’ailleurs, pour qu’ils eussent maintenant recours à quelques phrases, fussent-elles plus chaudes que toutes celles qu’ils avaient jusqu’alors échangées.
    Une ombre s’approcha lentement, puis une autre.
    – Quelle faveur, Blandine, semblez-vous espérer de Fenouillet ?
    « Bon sang ! » enragea Ogier, voyant tout d’abord Leignes, furieux, puis la baronne de Morthemer. Et pour la première fois, du ton qu’elle l’avait prononcé, son nom d’emprunt lui paraissait risible.
    Il sentit la cuisse de sa compagne se décoller de la sienne. Dépitée, Blandine ne rougissait ni ne se troublait comme une fautive – ce qu’il avait craint – ; restant assise, elle dit d’une voix un peu pointue, simple, révérencieuse :
    – Je priais messire Ogier d’être mon chevalier.
    La baronne posa un regard vacillant sur la jouvencelle :
    – Et il acceptait ?
    Les sourcils se durcirent, le sourire trembla et devint difficile :
    – Oui, dame… Et j’en suis bien aise.
    Il fallait rompre ce mauvais charme, refuser l’ennui et la perversité que ces deux êtres apportaient avec eux, surtout ce malandrin aux mains hideuses.
    Ogier se leva par convenance envers cette femme à laquelle il ne devait rien ou si peu : un lambeau de nuit dont il conservait un souvenir gris fade. Il se rappelait mal leur étreinte, leurs mots. Pouvait-elle se montrer jalouse d’une jeunesse telle que Blandine ? Oui, sans doute, car elle pâlissait sous ses fards.
    – Votre père sait-il ?
    La phrase demeura en suspens le temps, pour Ogier, de trouver dame Géralde d’une indiscrétion éhontée. Elle portait une robe bleu sombre dont le col de genette gris, mirouetté de noir, effilochait ses tresses. Deux chaînettes d’or s’enroulaient à son cou. Des anneaux émaillés pendaient à ses oreilles, et chacun de ses doigts portait une ou deux bagues. Elle avait dû vider ses écrins ! Elle souriait toujours, mais en deçà de cette bénignité vibrait tout un boisseau de colères.
    Ogier s’inclina vers Blandine – toujours assise, irrespectueuse, certes, mais bien belle ainsi :
    – Damoiselle, c’est à vous, demain, que je dédierai mes courses. Aussitôt que vos yeux se poseront sur moi, je me sentirai le sang et les vertus d’un preux… que je ne suis ni ne serai jamais si j’en crois le dédain de cette noble dame.
    La baronne frémit.
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