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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition
Autoren: Andrea H. Japp
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fruits, ou encore d'un verre de vin tiède et aromatisé.

Abbaye de femmes des Clairets,Perche, fin janvier 1308, le lendemain
    Dès après l'achèvement de l'office de laudes, Plaisance refusa l'escorte d'Élise de Menoult, de Barbe Masurier et de Blanche de Cerfaux, une novice supplette d'abbatiale. À bout d'arguments, de suppliques, Élise et Barbe se turent, le visage inquiet. Blanche insista une dernière fois.
    – Ma mère, je vous en conjure… permettez-moi de vous accompagner. On ne sait jamais avec ces contrefaits. Certains sont doux comme des agneaux, d'autres hargneux comme de vilains rats…
    Plaisance rassura la très jolie jeune femme nouvellement arrivée parmi elles. Sa dévotion, alliée à une constante gentillesse, ne lui valait que des éloges de la part de ses futures sœurs :
    – Je ne risque rien, je vous l'assure, chère Blanche. De surcroît, il faudrait être bien fol pour tenter quoi que cela soit contre moi en mon abbaye.
    Elle traversa la cour et longea l'hostellerie jusqu'aux écuries.
    Un des palefreniers chargés des bêtes de trait et des palefrois 1 de l'abbesse bascula la traverse qui condamnait les portes de l'écurie à la nuit. D'un geste, elle lui indiqua de ne pas la suivre à l'intérieur.
    Ils l'attendaient, sagement assis sur des bottes de paille. La horde. Quatre malmenés par l'existence. Tous se levèrent d'un bond à son entrée, s'inclinant, se pliant en révérence, sans un mot. Elle se fit la réflexion que nul n'en était besoin. Qu'auraient-ils pu ajouter qu'elle ne sente dans leurs regards ?
    Le jeune homme qui semblait leur porte-parole s'avança d'un pas, tête baissée, les poings serrés. Cette pathétique tentative pour dissimuler son infirmité bouleversa le cœur de la jeune fille. Elle n'hésita qu'une seconde et déclara d'un ton doux :
    – Je les ai vus, mon fils. Je vous ai tous vus. Si tel n'avait pas été le cas, je ne vous aurais pas offert hospitalité à la nuit. Je me serais contentée d'ordonner que l'on vous nourrisse hors l'enceinte. Je sais… je sais qu'il existe bien pire que les loups.
    Évrard déplia les mains avec lenteur, étendant ses deux pouces excédentaires.
    Le regard de l'abbesse passa sur chacun des pauvres hères. Le nain trapu et sa sœur, naine aussi. L'homme sans âge, les poils qu'il avait dû raser avant de se présenter à la porterie Majeure repoussant déjà sur son visage, sur son corps aussi, probablement. Un homme dont le long pelage soyeux terroriserait le couvent qui le prendrait pour un loup-garou. Une petite cour des Miracles que l'on traînait de foire en foire, que l'on exhibait, que les curieux pouvaient insulter, maltraiter pour quelques piécettes. Les parents, honteux, effrayés d'avoir conçu une telle progéniture, se convainquaient qu'un mauvais sort leur avait été jeté par un sorcier ou une fée malfaisante. L'enfant n'était pas le leur, mais un tour démoniaque. Il convenait donc de s'en débarrasser au plus rapide. Il était vendu ou offert à un montreur ou encore abandonné en forêt pour y périr. Peut-être aurait-elle eu peur de ces êtres, de leurs difformités inquiétantes, elle aussi, si elle n'avait hérité de la sagesse de madame de Normilly, de son courage.
    – Y disent qu'on est des monstres. Pas des créatures de Dieu, lâcha l'homme-loup, sans la regarder.
    – Votre nom ?
    – Urdin, madame ma mère. Enfin, c'est ç'ui qu'le montreur m'a donné. Lui, ajouta-t-il en désignant le jeune homme pâle, c'est Évrard.
    – Nous sommes tous des créatures de Dieu, reprit-elle. Toutefois, certains d'entre nous souhaitent l'oublier. Est-ce votre cas ?
    Quatre hochements de dénégation lui répondirent.
    – Je ne puis décider seule de la durée de votre séjour entre nos murs. Je convoquerai le chapitre à ce sujet.
    À la vérité, elle aurait pu leur accorder une semaine d'hospitalité, de répit d'avec le monde. Toutefois, les terribles souvenirs abandonnés par la présence des lépreux étaient encore vifs, dans toutes les mémoires 2 . Imposer aux moniales une autre épreuve eût été d'une rare maladresse politique. Elle se débrouillerait pour obtenir le consentement de son conseil.
    – Demeurez jusqu'à la décision de mes discrètes 3 . Passez en cuisines, au bûcher, aux fours, aux caves et aux celliers afin de savoir à quoi l'on vous peut employer. Clotilde Bouvier, notre sœur organisatrice des repas, vous accueillera. Je l'ai prévenue ce tôt
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