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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition
Autoren: Andrea H. Japp
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monstres mythologiques comme les licornes, dragons ou sirènes. En revanche, persiste dans l'esprit des gens l'idée que les monstres ne peuvent être des créatures voulues par Dieu, cette conviction s'élargissant aux sujets porteurs d'anomalies génétiques.

Abbaye de femmes des Clairets,Perche, fin janvier 1308
    Plaisance, mère abbesse de l'abbaye des Clairets, avançait d'un pas vif vers l'abbatiale Notre-Dame. D'interminables écritures l'avaient retardée. Complies* ne tarderait pas. Elle inspira bouche ouverte, grisée par la légèreté de l'air glacial de ce début de nuit, qui la revigorait.
    Une cavalcade derrière elle. Une supplette 1 , de toute évidence affolée, la rattrapa, plaquant sa paume contre son flanc pour lutter contre un point de côté.
    – Ma mère, ma mère, couina la très jeune fille en s'affalant presque sur Plaisance.
    – Quoi ? Que se passe-t-il ?
    – Une horde de gueux avec d'horribles trognes… Armés, m'a-t-on dit… de faux et même de pertuisanes 2 de fortune… Ils tentent d'enfoncer la porterie Majeure. Ah, mon Dieu, ma mère, ils vont nous égorger ou pire… Il vous faut mander les hommes du bailli au plus vite, dépêcher notre messager 3 …
    Un petit attroupement de moniales en pleine incompréhension ou déjà effarouchées les entourait maintenant.
    La voix de la supplette gagna en ampleur, montant dans le suraigu, indiquant que la crise nerveuse était proche.
    – La servante portière 4 tente de les dissuader. Elle a appelé à la rescousse les hommes capables de se battre. Mon Dieu… Mon Dieu, protégez-nous…
    Alternant de la stupéfaction à l'alarme, Plaisance tenta de rassembler ses esprits.
    – Des gueux, dites-vous ? Pas des soldats, ni même des ribauds sans solde ? C'est insensé ! Des gueux ne s'en prendraient jamais à un monastère, même en horde. Quant aux soldats, ils reculeraient devant les supplices qui ne manqueraient pas de leur échoir s'ils commettaient un tel crime contre Dieu.
    Affichant plus d'aplomb qu'elle n'en ressentait, elle se dégagea de sa fille qui se cramponnait à ses épaules et rebroussa chemin en direction de la porterie Majeure, située en face des caves et des celliers.
    Des cris, des invectives, des obscénités fusaient lorsque, escortée d'une demi-douzaine de moniales tremblantes, l'abbesse rejoignit le groupe tassé derrière l'huis épais, renforcé de traverses cloutées. Les torches dansaient au-dessus des têtes. Une sensation fugace traversa Plaisance. La haine était un mur, aussi palpable que les pierres. La haine s'attrapait à la façon d'une mauvaise fièvre pulmonaire. Leur haine à tous pour ceux du dehors, qui qu'ils fussent, lui souffleta le visage.
    – Faites passage ! ordonna-t-elle à la marée humaine agglutinée derrière le judas. La marée qui menaçait de se déchaîner.
    – La paix, vous ! cria-t-elle à l'adresse de la servante portière qui battait des bras, vagissait, sanglotait, insultait tout à la fois. Reculez-vous tous, à l'instant. Tout manquement sera puni du fouet.
    La haine recula devant la peur. Un silence de mort s'abattit. Se soulevant sur la pointe des pieds, l'abbesse colla son visage au judas. Quatre. La horde était quatre. Quatre affamés qui se tenaient par la main à la manière d'enfants apeurés. La servante portière glapit :
    – Y veulent pas partir, not'bonne mère. Y m'ont menacée ! D'affreux maudits… pis qu'des grabugiaux ou des voleurs. La sanie de l'humanité, c'te c'que j'vous affirme ! Y en a un qu'a des yeux de démon…
    Plaisance se tourna vers la grosse femme. Sur son front plat, la moiteur de l'excitation qui précède le carnage. L'abbesse planta son regard d'un insondable bleu dans celui de la mégère et déclara d'un ton minéral, tranchant :
    – Cessez à l'instant vos sornettes. À moins que les lanières du fouet ne vous tentent.
    Les grosses joues grasses de l'autre tremblèrent sous l'affront et la crainte. Elle baissa le regard, pas assez vite toutefois pour que Plaisance n'y perçoive une lueur de mauvaiseté revancharde.
    L'abbesse s'approcha à nouveau du judas et demanda d'une voix d'autorité :
    – Avez-vous menacé notre portière ?
    Un jeune homme grand et décharné s'avança de quelques pas et répondit doucement :
    – Oh non, madame ma sœur.
    – Madame ma mère, rectifia l'abbesse.
    – Votre pardon, madame ma mère. Je lui ai juste dit que notre Sauveur serait attristé qu'elle refuse un pain
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