Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition
Autoren: Andrea H. Japp
Vom Netzwerk:
répondit la jeune femme. Je l'ai nettoyée de l'odeur du verrat. Je lui ai raconté une histoire de bonne-dame 4 ailée et elle s'est endormie.
    Urdin hocha la tête et avala sa soupe fumante à grandes cuillerées bruyantes.
    – Que fait-on maintenant ? s'enquit Évrard, comme si la question était au fond de peu d'importance.
    Le regard d'Urdin descendit vers les mains rougies de froid du jeune homme, vers ses poignets qu'encerclaient deux bourrelets rougeâtres.
    Un petit matin, quelques semaines auparavant, Urdin avait découvert son compagnon baignant dans son sang, presque trépassé. Il avait bandé les poignets tranchés aussi serrés qu'il l'avait pu. Dehors, maître Cornet éructait :
    – Le gueux ! Le vaurien sans reconnaissance ni vergogne ! J'ai payé une ronde somme pour lui… Bon, d'accord, j'ai rien payé puisque je l'ai récupéré de son ancien montreur mort, mais il est à moi, il a pas le droit ! Voyou, faquin !
    Lorsque Évrard était revenu à lui, son regard bleu nuit avait épinglé Urdin. Contemplant d'un regard de dégoût le doigt excédentaire qui naissait à la deuxième phalange du pouce de chacune de ses mains 5 , il avait murmuré :
    – Je ne te le pardonnerai jamais, mon frère.
    Urdin l'avait serré contre lui, expliquant d'une voix tendre :
    – Peu importe, compagnon d'misère. J'te sauve de la mort et de la damnation.
    – Crois-tu ? Qu'est notre vie sinon la damnation avant l'heure… sans péché pour la justifier ?
    – J'dis qu'on avance vers Bellême ou autre, vers une foire. On y trouvera peut-être un meilleur maître pour nous racheter, suggéra Sidonie.
    – J'veux plus de ça, jamais, grommela Urdin. J'veux plus qu'on m'entrave les poignets et les chevilles, qu'on me bâillonne. J'veux plus qu'ils se vengent de leur lâcheté en m'donnant des coups de pied, en m'piquant avec la pointe de leur couteau. J'veux plus qu'on fasse brûler Claire. J'veux plus, ni pour Claire ni pour nous autres.
    – En ce cas, que suggères-tu que nous tentions ? intervint Évrard.
    – J'sais pas. On pourra pas louer nos bras, même s'ils sont forts. Pas avec eux autres des fermes. Y nous chasseront avec leurs fourches. Vous savez bien qu'y nous détestent parce qu'on est des monstres 6 .
    – Un couvent, alors ? proposa Éloi.
    – Mon frère a raison, approuva Sidonie.
    – Qu'est-ce que vous croyez ? rétorqua Urdin d'une voix amère. Qui z'ont meilleure âme à l'intérieur des murs saints que ceux du dehors ?
    – Ça dépend, argumenta Éloi le nain. Y en a qui achèvent de saigner les pauvres et rejettent ceux comme nous. D'autres qu'essaient de se rapprocher de Dieu. J'suis pas dupe, compagnon. J'sais bien que les premiers sont plus nombreux qu'les seconds. Mais peut-être qu'Il voudra enfin nous aider. Pour une fois, conclut-il en levant un index vers le ciel.
    – J'sais pas trop… Au point où nous sommes rendus… hésita Urdin. Y a c't'abbaye d'femmes, non loin. Les Clairets*.
    Sidonie se redressa de toute sa petite taille et, poings sur les hanches, sourcils froncés de réflexion, ajouta :
    – Et puis, dans un couvent… y a des caves, parfois d'vieilles geôles… bref, des endroits obscurs.
    Urdin la fixait. Il murmura d'une voix soudain nerveuse :
    – Ouais. Des endroits où qu'on peut cacher, protéger Claire du jour et des mauvais. J'y ai pensé aussi. Mais faudra avoir l'air doux et inoffensifs comme des agneaux. Sans ça, elles nous laisseront pas entrer.
    1 Longue chemise de corps que l'on porte à même la peau ou sous la robe.
    2 Xeroderma pigmentosum. Décrite pour la première fois en 1870, il s'agit d'une photodermatose génétique rare qui se caractérise par une hypersensibilité de la peau au soleil. Elle se traduit par des lésions rouges et des cloques, avec un risque multiplié par mille de développer des cancers de la peau ou des yeux, qui surviennent aux environs de l'âge de dix ans. D'autres troubles sont décrits : kératite, perte des cils, de l'audition, microencéphalie, etc. L'atteinte des globules rouges ou la peau livide en raison de l'absence d'exposition au soleil ont fait soupçonner à certains auteurs que cette maladie était à l'origine de la légende des vampires. Le seul « traitement » à l'heure actuelle est d'éviter à tout prix l'exposition aux ultraviolets.
    3 Hypertrichose.
    4 Gentille fée.
    5 Une des formes de la polydactylie.
    6 LeXIVe siècle ne croit plus aux chimères et aux
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher