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La confession impériale

La confession impériale

Titel: La confession impériale
Autoren: Michel Peyramaure
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fait livrer ce
matin.
    — Me tiendras-tu compagnie ?
    — Je n’y manquerai pas, sire, mais à
condition que vous n’ouvriez la bouche que pour manger !
    Les événements
intéressant l’Empire ne me laissent guère en repos, alors que la sérénité me
serait nécessaire pour remonter le temps. Tandis que je dicte à mon secrétaire
souvenirs et commentaires, mon esprit doit affronter le passé et se soumettre
au présent.
    Il n’est guère réjouissant.
    Les guerriers venus des frontières
septentrionales de la Germanie, ces Danois qu’on appelle aussi des Normands ou
des Vikings, se sentent, à mon détriment, pousser des ailes de conquérants. Ils
lancent sur les côtes de l’Angleterre, de la Frise et jusqu’à celles de
l’Aquitaine, leurs lourdes barques à rames et à voile, les drakkars, chargées
de géants bardés de fer et de cuir. Ils remontent le fil des fleuves et des
rivières et repartent avec des prisonniers et du butin.
    Les affronter sur leur terrain de
prédilection, la mer, est hasardeux. J’ai trop longtemps négligé mes forces
navales pour ne me consacrer qu’à mes armées de terre. Je recueille aujourd’hui
les fruits amers de cette erreur stratégique. Les Danois sont des
navigateurs-nés, et je suis un terrien. Je n’oserais donc me risquer à leur
livrer une bataille navale. Je dois me contenter de dispositifs de
défense : quelques postes côtiers avec de petites garnisons destinées à
leur interdire nos estuaires.
    Dans les jours qui viennent, cette situation
inquiétante m’obligera à un voyage d’inspection dans les plaines marécageuses
de la Frise, la première de mes provinces menacées par ces hordes de pillards,
au risque d’y laisser ma santé et peut-être ma vie.
    Je me ferai suivre d’Éginhard et, aux haltes
du soir, si mon état m’y autorise, nous reprendrons le fil de mon récit.

2
Les années d’apprentissage

1
    Récit
de Charles : années 754 à 768
    L’événement majeur
dont je vais entreprendre la relation a été pour moi l’occasion d’enrichir mon
vocabulaire de deux mots nouveaux : exarchat et Pentapole. C’est du pape
Zacharie que j’en ai appris la définition et ce qu’elle recouvre.
    L’exarchat, comme son nom l’indique, est un
territoire soumis au pouvoir d’un exarque, chargé d’y représenter le
patriarcat, et de la hiérarchie ecclésiastique. Celui dont je parle est une
enclave du royaume de Lombardie ; il a pour capitale Ravenne, ville
ancienne, sombre, ceinte de remparts décatis et parcourue de ruelles étroites
et sales ; elle n’a de remarquable que les monuments qui rappellent le
règne du roi ostrogoth Théodoric : la basilique Saint-Vital parsemée de
mosaïques byzantines, et la porte d’Or. Située au nord-est de Rome, elle a un
port ouvert sur l’Adriatique et entretient des rapports fructueux avec
Constantinople.
    La Pentapole, constituée d’une constellation
de villes riches et puissantes : Rimini, Pesaro, Fano, Sinigaglia et
Ancône, presque toutes donnant sur l’Adriatique, est, depuis des lustres, sous
la tutelle de Byzance.
    Conquises, reprises, réoccupées, toujours
exposées aux mêmes menaces, ces deux entités constituaient pour les rois
lombards des proies fascinantes offertes à leur appétit, malgré les
protestations et les menaces du Saint-Siège.
    Au milieu du siècle, le pape Zacharie, Grec de
Calabre, qui avait donné l’onction royale à mes parents, mourut et fut remplacé
sur le trône de Pierre par Étienne II. Cet homme courageux, au fait des
événements du siècle, hérita des soucis de son prédécesseur quant à ces
territoires, mais se refusa comme lui à faire appel au basileus, l’empereur de
Byzance. Autant frapper du poing un mur : le palais de Constantinople
était en proie à des intrigues sempiternelles qui l’obligeaient à se
désintéresser du sort de ces lointaines colonies.
    C’est alors qu’Étienne prit le seul parti
capable de mettre fin à la boulimie des Lombards : demander l’aide de mon
père, l’oint du Seigneur, et de ses armées. Il quitta Rome au cœur de l’hiver
avec une escorte armée, effectua auprès d’Aistolf, roi lombard siégeant à
Pavie, sa capitale, une ultime démarche, et, déçu, fit route pour la Gaule à
travers les Alpes, sous des tempêtes de neige.
    Un pape quittant Rome pour une terre
étrangère, cela ne s’était jamais vu.
    Un matin de décembre,
mon père me fit descendre de ma cabane et, d’une voix
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