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La confession impériale

La confession impériale

Titel: La confession impériale
Autoren: Michel Peyramaure
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mère, son nouvel état lui
convenait.
    J’avais eu une chance dans cette
épreuve : mon père était en Aquitaine, occupé à traquer un rebelle, le duc
Waïfre. Eût-il été présent, je n’ose imaginer sa réaction : la tonsure et
le couvent peut-être. Il ne sut jamais rien de cette aventure.
    À la fin de cette
journée, j’ai senti une telle lassitude chez Éginhard que j’ai eu pitié de lui.
À plusieurs reprises, le calame lui est tombé des mains, il s’est assoupi, et
j’ai dû tousser fortement pour le ramener à sa tâche.
    Ce n’est pas sans plaisir que j’ai replongé
dans les eaux troubles de mon enfance, encore qu’elle ne présentât rien qui pût
laisser prévoir la haute destinée qui m’attendait.
    Avant le repas du soir, à la nuit tombée, j’ai
fait allumer les chandelles, et j’ai lancé à mon secrétaire :
    — Au travail, mon ami ! Es-tu
prêt ? Il nous reste encore une bonne heure avant de passer à table.
Mettons-la à profit.
    Il a posé son écritoire à ses pieds et m’a
répondu par un gémissement et une voix au ton pathétique :
    — Pitié, sire ! Je rends les armes.
Faites-moi la grâce de m’épargner ce travail supplémentaire. J’ai le ventre
creux et droit au repos vespéral, comme le dernier de vos esclaves. D’ailleurs ma
main s’ankylose.
    — Eh bien, soit ! nous reprendrons
demain, mais je t’en préviens, la journée sera longue. Je veux te voir à mon
chevet au lever du jour.
    Il a haussé les épaules et répondu avec un air
compatissant :
    — Sire… Dois-je vous rappeler que votre
journée de demain sera prise par les préparatifs de la réception des envoyés du
calife de Bagdad Haroun al-Rachid, et que nous avons du courrier en retard pour
Rome ?
    — Certes… Certes… Merci de me rappeler
ces obligations, mais nous trouverons bien quelques heures pour poursuivre mon
récit. Je me sens déjà emporté par ces souvenirs et il m’en coûte de leur
résister. Et si je me faisais passer pour malade ? À mon âge, on
trouverait cela naturel.
    — Vous n’y songez pas sérieusement !
Ces gens sont susceptibles et seraient capables de repartir en emportant leurs
présents.
    — Tu as raison comme toujours, mon ami,
ai-je soupiré. Il est vrai que les présents du calife ne sont pas à dédaigner.
Je chargerai l’intendant des préparatifs. Quant à la réception, elle ne me
retiendra pas plus d’une heure ou deux, selon l’importance des cadeaux. Mon ami
Haroun m’a promis un tigre de Bactriane pour ma ménagerie. Cela vaut bien un
petit sacrifice…
    J’ai demandé à Éginhard
ce qu’il pensait de ce préambule sur mes modestes exploits juvéniles. Il trouve
qu’il traîne un peu en longueur, que je me montre bien sévère pour mes parents,
que mon récit comporte quelques erreurs sur les dates et l’identité de quelques
personnages.
    — Votre mère par exemple, sire…
Était-elle aussi sévère que vous le dites ? Vous en faites une mégère.
Cela sent la vengeance. Est-ce bien digne de vous ?
    — C’est un récit que je confie à ton
calame, pas un recueil de légendes ! On voit bien que tes fesses n’ont
pas, comme les miennes, souffert du fouet. À en croire les légendes lénifiantes
qui courent sur elle, ce serait une « forte femme ». C’est faire
table rase de ses accès d’autoritarisme, des erreurs politiques qui ont suivi
la mort du roi Pépin, des guerres qu’elle a failli engendrer…
    Je me lève avec
effort. Après des heures dans ce fauteuil tapissé de coussins, je me sens comme
figé. Le moindre mouvement réveille mes douleurs. À force de monologuer, les
mots peinent à sortir de mes lèvres, ce qui m’oblige à me répéter. Je m’en
excuse auprès d’Éginhard et lui demande ce qu’il en pense.
    — Sauf votre respect, votre voix
ressemble à celle d’un agonisant qui réclame les sacrements.
    Je n’ai jamais été fier de ma voix. On la juge
aigrelette comme celle d’un castrat dans une conversation courante, et
tonitruante dans la colère. De plus, je chante faux, alors que le plain-chant
est ma passion.
    — Un agonisant… Éginhard, comment
oses-tu ? Eh bien, je te pardonne. Assez parlé, nous allons passer à
table. J’ai faim, moi aussi. Qu’aurons-nous ce soir ?
    — Une soupe de poule avec des légumes.
    — Rien de bien réjouissant… Et
ensuite ?
    — Un quartier de daim grillé, à l’ail,
des poissons de la Meuse et le vin de Mayence qu’on vous a
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