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La confession impériale

La confession impériale

Titel: La confession impériale
Autoren: Michel Peyramaure
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et
rugir Aristote. Elle glissait insensiblement de l’astronomie à l’astrologie, de
la science à la magie. Autant je prenais intérêt à ses descriptions
d’Andromède, des Gémeaux ou de la Grande Ourse, autant les théories fumeuses
que ces constellations lui inspiraient me faisaient bâiller d’ennui.
    Peut-être plus que notre père, elle s’était
mis en tête de faire de moi et de mon frère des missionnaires armés, chargés
d’apporter la foi en terre païenne. La haine qu’elle vouait aux peuplades
adonnées au culte des arbres et des eaux dépassait la mesure. À maintes
reprises elle accompagna le roi dans ses campagnes de Germanie ou d’Aquitaine,
la croix sur la poitrine.
    J’avais onze ans lorsqu’elle décréta qu’il
était temps de m’initier aux armes. Elle me fit confectionner une broigne en
peau de bœuf sauvage, me choisit un cheval, une épée, une rondache et me lança,
avec l’armée royale, dans ma première expédition guerrière, en Septimanie où
les Maures de Cordoue en prenaient à leur aise. C’est ainsi que j’assistai,
sans y prendre part, à des faits d’armes sanglants dans les plaines de la
Narbonnaise, par des étés ardents.
    J’avoue avoir pris à cette première campagne
un plaisir qui allait croître au cours des années, sans me procurer, piètre guerrier
que je suis, l’occasion de tirer mon épée.
    Durant les longues
soirées d’hiver, au coin de l’âtre, en épluchant des châtaignes grillées et en
buvant du cidre, j’écoutais le roi, mon père, évoquer les temps anciens. J’y
prenais quelque plaisir, mais les noms de Pharamond, de Chlodion, de Mérovée,
le récit de leurs exploits, finissaient par se brouiller dans ma tête et
m’endormir.
    Je regrette aujourd’hui mon manque
d’attention. Mon père, conteur talentueux, excellait à faire surgir des
ténèbres de l’histoire des rois conquérants, incultes, frustes dans leur foi et
leur comportement. Il leur prêtait à la légère des pensées prophétiques et la
volonté de faire de ce magma qu’était l’Occident une terre de mission :
autant d’idées qu’il faisait siennes.
    Il n’avait avec sa famille que des rapports
sommaires, dépourvus de véritable affection, d’autant que nous le voyions peu
souvent.
    Il passait la majeure partie de son temps à
des colloques avec ses officiers palatins, à des équipées de chasse, à
l’inspection de ses domaines et des monastères. Lorsque je le croisais dans une
allée, il passait sans me regarder. Au cours des repas, il conversait plus
volontiers avec ses proches qu’avec sa famille et ne paraissait s’intéresser à
nous que lorsque nous commettions une bévue ou une incongruité. On le disait
froid, distant, impénétrable. Il y a dans cette appréciation une part de
vérité, mais cet homme rigoureux, aux mœurs simples et à la foi intense, était
possédé par le sentiment de la justice : la qualité qui fait un bon roi.
    Parfois, au retour d’une campagne, après le
repas du soir, il nous prenait, moi ou mon frère, sur ses genoux et fredonnait
quelque chanson ramenée d’Aquitaine ou de Germanie. Je respirais avec dégoût
son haleine de gros mangeur : ail et cervoise. Il avait toujours à sa
portée un tonnelet de cette boisson forte, s’en arrosait le gosier et rotait
fortement.
    Souvent, ivre à la fin des repas, il se
livrait à des facéties d’un goût abject. Un soir, alors qu’il avait à sa table
un comte de Neustrie et sa famille, il exigea que son épouse fît étalage de son
infirmité congénitale en posant son pied difforme sur la nappe. Comme elle se
montrait réticente, il se fâcha et, la prenant par les jambes, la força à
s’exhiber, comme s’il se flattait d’avoir épousé un phénomène.
    Personnage complexe, souvent odieux, parfois
attachant, il était soucieux de se montrer avec l’aura de la culture. Lettré
lui-même, il invitait dans ses domaines des savants d’Irlande, d’Angleterre,
d’Aquitaine ou de la lointaine Bavière. Il passait des heures en leur compagnie
à lire et à commenter des auteurs latins ou grecs. Du haut de ma solitude
arboricole, je suivais leurs promenades dans les allées de la villa, animées
parfois de controverses dont quelques bribes me parvenaient.
    À l’image de ses prédécesseurs et de presque
tous les souverains d’Occident et d’Orient, il jouissait des faveurs
mercenaires d’un essaim de concubines choisies parmi nos servantes, avec
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