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la Bible au Féminin 03 Lilah

la Bible au Féminin 03 Lilah

Titel: la Bible au Féminin 03 Lilah
Autoren: Halter,Marek
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facilement.
    — Laisse !
    Sans céder, Axatria chercha à lui ôter les sangles des mains. Lilah la repoussa avec tant de colère qu’Axatria trébucha, manquant de les renverser toutes les deux.
    — Axatria ! Fiche-moi la paix !
    — Pourquoi devrais-je te laisser faire une telle sottise ?
    Le teint hâlé, naturellement sombre d’Axatria était devenu pourpre en un instant. Elle n’était guère jolie. La silhouette trapue, les seins trop lourds et les hanches déjà larges bien qu’elle n’ait jamais enfanté. Elle avait le visage plat des femmes de Zagros : nez court, pommettes hautes, chevelure drue et frisée. Pourtant, la vivacité de son regard, ses lèvres bien ourlées, aussi franches que sensuelles, ses expressions gourmandes et moqueuses n’étaient pas sans charme. En cet instant, cependant, ses yeux n’étaient que deux étincelles de colère. Sa bouche évoquait celle d’une matrone revêche face à une enfant dissipée.
    Se contraignant au calme, Lilah dit :
    — Axatria, nous sommes déjà convenues que j’irai seule. Inutile de discuter.
    — Tu en es convenue avec toi-même, c’est tout ! répliqua Axatria avec aigreur. C’est toi qui as décidé de ce caprice.
    — Ce n’est pas un caprice, et tu le sais.
    Elles se turent, s’affrontant du regard. Lilah détourna les yeux la première. Flattant la joue d’une mule, le jeune esclave écoutait la dispute.
    — En quoi je vous dérange ? reprit plaintivement Axatria. Pourquoi m’empêcher de le voir, Lilah ! Tu sais bien… Tu sais bien…
    La fureur et la détresse empêchèrent Axatria d’achever sa phrase. Il n’en était pas besoin. Elle avait raison : Lilah « savait bien ».
    Embarrassée par les larmes qui brillaient dans les yeux de la servante, Lilah déclara plus durement qu’elle ne voulait :
    — Cette dispute est stupide. Attends-moi ici. Je ne serai pas longue.
    Axatria se redressa, les reins creusés et l’œil en feu.
    — Bien, maîtresse. Puisque tu l’as décidé et que je ne suis rien d’autre qu’une servante pour toi !
    Elle se détourna avec raideur, soulevant sa tunique pour grimper sur le char. Le jeune esclave baissa prudemment les yeux.
    Lilah hésita. À quoi bon protester ? Il n’y avait qu’un mot qui pourrait apaiser Axatria, et elle ne le prononcerait pas.
    Elle s’éloigna, le cœur lourd. Ainsi commençait cette visite déjà délicate. Dans son dos, elle entendit Axatria sermonner l’esclave d’une voix sèche :
    — Au lieu de laisser traîner tes oreilles, mon garçon, remets donc ce char dans la bonne direction !
     
    Lilah n’eut à parcourir qu’une soixantaine de coudées avant que la route pavée se transforme en un chemin de terre irrégulier qui conduisait au labyrinthe de la ville basse. Des bosquets d’oponces et d’acacias, quelques champs vagues et des mares envahies de grenouilles séparaient la richesse de la pauvreté.
    Lilah avançait, les yeux rivés au sol, l’épaule déjà endolorie par les sangles du couffin. Les paroles d’Axatria grondaient encore dans son esprit. Jamais elle ne l’avait vue ainsi.
    Vigoureuse, intelligente, diligente, Axatria était entrée au service de Lilah le jour où l’oncle Mardochée avait recueilli Ezra et Lilah, à la mort de leurs parents. Elle avait alors vingt ans. D’une énergie insatiable, à peine plus âgée que ses jeunes maîtres, en quelques jours elle était tombée amoureuse d’Ezra.
    Il possédait alors toute la beauté incandescente de l’adolescence. Son charme foudroya Axatria comme l’éclair consume les sols les plus arides. Lilah n’en fut pas étonnée. Pour elle aussi Ezra était le plus beau des garçons. Aussi beau qu’Antinoès, que les jeunes filles perses dévoraient des yeux. Mais déjà plus savant, et l’âme plus profonde.
    Il avait plu à Lilah qu’Axatria succombe au charme d’Ezra. Elle en avait été fière autant qu’amusée. Sans aucune crainte ni jalousie. L’amour qui liait le frère et la sœur n’était-il pas celui de l’éternité ?
    Axatria avait eu la sagesse de ne jamais manifester ses sentiments par le feu des mots ou des gestes. Si grande que fût sa passion, elle s’exprimait tout entière dans l’excellence de son service, la perfection des linges qu’elle lavait pour Ezra, les plats qu’elle lui préparait. Cela avec une si grande discrétion qu’Ezra n’avait pris conscience de cet amour qu’au jour où la tante Sarah en avait
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