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La Bataille

La Bataille

Titel: La Bataille
Autoren: Patrick Rambaud
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première tentative de traverser le Danube venait
d’échouer près du pont de Spitz détruit. Cinq cents voltigeurs de la division
Saint-Hilaire avaient pris pied sur l’île de Schwartze-Laken, dirigés par les
chefs de bataillons Rateau et Poux, mais sans ordres précis, sans coordination,
ils avaient négligé de poster des hommes en réserve dans une grande maison qui
pouvait protéger comme un fortin le débarquement des autres : la moitié de
ces hommes avait été tuée, les autres blessés ou pris par l’avant-garde ennemie
postée sur la rive gauche, qui chaque matin jouait l’hymne autrichien de
Monsieur Haydn pour remuer les habitants de Vienne.
    Maintenant l’Empereur commandait en personne. Il entendait
détruire l’armée de l’archiduc Charles, déjà forte, avant qu’elle ne réussisse
à s’allier à celle de l’archiduc Jean qui arrivait d’Italie à marche forcée.
Pour cela, à l’ouest, l’Empereur avait posté en vigie Davout et ses cavaliers.
Il observait après le fleuve cette interminable plaine de Marchfeld qui montait
à l’horizon vers le plateau de Wagram.
    Un simple adjudant mal boutonné, la moustache blanche en
crocs, l’appela d’une voix grondante sans même se ranger au garde-à-vous :
    — Tu m’as oublié, mon Empereur ! Et ma
médaille ?
    — Quelle médaille ? demanda Napoléon en souriant pour
la première fois depuis huit jours.
    — Ma croix d’officier de la Légion d’honneur,
tiens ! J’la mérite depuis toujours !
    — Si longtemps ?
    — Rivoli ! Saint-Jean-d’Acre !
Austerlitz ! Eylau !
    — Berthier…
    Le major général, avec son crayon, nota le nom du nouveau
promu, le soldat Roussillon, mais il avait à peine terminé que l’Empereur se
leva en jetant la hachette avec laquelle il tailladait depuis quelques instants
le tronc d’arbre :
    —  Andiamo  ! À la fin de la semaine je veux
un pont. Disposez des brigades de cavalerie légère dans ce village, là
derrière.
    — Ebersdorf, dit Berthier en vérifiant sur sa carte.
    — Bredorf si vous voulez, et trois divisions de
cuirassiers. Commencez tout de suite !
    L’Empereur ne donnait plus jamais un ordre ou une réprimande
de façon directe. Cela passait par Berthier qui, avant de monter dans la
berline, fit un signe à l’un de ses aides de camp en costume d’opéra :
    — Lejeune, voyez ça avec Monsieur le duc de Rivoli.
    — Bien Monseigneur, répondit l’officier, un jeune
colonel du génie brun de peau et de poil, avec une cicatrice émouvante, comme
une rayure, sur la gauche du front.
    Lejeune grimpa sur son cheval arabe, ajusta sa ceinture de
soie noir et or, ôta une poussière sur son dolman de fourrure, et regarda
partir la voiture impériale avec son escorte. Il s’attarda. En professionnel,
il étudiait le Danube et ses îles battues par le courant. Il avait déjà
participé à la construction de ponts de bateaux sur le Pô, avec des madriers,
des ancres, des trains de bois, malgré des pluies violentes, mais comment
prendre appui dans ces eaux jaunes qui moussaient en tourbillons ?
    Le grand bras du fleuve longeait l’île Lobau par le sud, et
vers l’autre rive, qu’il fallait atteindre, il soupçonnait des terres
marécageuses, des bourbiers que selon son niveau le fleuve laissait apparaître
sous forme de langues de sable.
    Il tourna son cheval trop nerveux dans la direction de
Vienne. Non loin du village d’Ebersdorf il avisa l’anse protégée d’un ruisseau
où l’on rangerait à flot des pontons et des barques ; après ce bosquet, on
entasserait à couvert des charpentes, des chaînes, des pilotis, des poutrelles,
tout un chantier caché. Puis Lejeune se dirigea sans tarder vers les faubourgs
où campait le duc de Rivoli, un sabreur que Napoléon nommait mon cousin, avide,
sans lois, forte gueule mais stratège impeccable, dont l’infanterie, entraînée
par ce fou furieux d’Augereau, s’était autrefois illustrée en franchissant le
pont d’Arcole.
    C’était Masséna.
     
    Les armées de Lannes, avec trois divisions de cuirassiers,
cantonnaient dans la vieille ville. Celles de Masséna avaient pris position
contre les faubourgs, en rase campagne, où le maréchal s’était réservé un petit
château d’été aux clochetons baroques, abandonné par des nobles viennois qui
avaient dû gagner une province plus sûre ou le camp de l’archiduc Charles.
Quand il entra dans la cour d’honneur, Lejeune n’eut aucun besoin
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