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Julie et Salaberry

Julie et Salaberry

Titel: Julie et Salaberry
Autoren: Louise Chevrier
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comblé.
    Charles observa attentivement le garçon de seize ans qui avait la larme à l’œil. Ses frères et lui avaient tous été séparés de leur famille à un âge encore tendre. Lui-même s’était terriblement ennuyé des siens au même âge, pleurant en silence d’être au loin, sans pouvoir se confier à quiconque, avant que ses cadets ne quittent le Canada pour venir le rejoindre en Angleterre.
    â€” Il paraît que tu es amoureux, ajouta Édouard en retrouvant son sourire chaleureux. Le duc et madame de Saint-Laurent en discutaient l’autre jour.
    â€” Ah, bon? Et que disaient-ils? demanda Salaberry.
    â€” Heu! Pas grand-chose, en vérité. Seulement que tu souhaitais te marier, répondit vivement le benjamin qui semblait subitement embarrassé. Mais tu en sauras plus tout à l’heure, Son Altesse Royale t’attend dans son cabinet privé.
    â€” J’y cours, répondit Charles, impatient de partager son bonheur.
    Ã‰douard de Salaberry vit disparaître son frère derrière la porte épaisse du cabinet particulier du prince, appréhendant ce qui allait se produire.

    Edward Augustus, duc de Kent, était le quatrième fils du roi George III. Le royal père avait pour lui une aversion inexpliquée et l’avait tenu au loin en l’exilant pendant des années dans les postes éloignés de l’Empire. À Gibraltar, le duc de Kent avait fait la connaissance de Thérèse-Bernardine-Alphonsine de Montigenet, dite madame de Saint-Laurent, jeune femme connue pour sa vaste culture, ses dons de musicienne et son élégance folle. Française jusqu’au bout des ongles, elle confectionnait elle-même des toilettes aussi originales que seyantes et d’un style inimitable.
    Dès le premier regard, le prince fut attiré par cette femme hors du commun et fit d’elle sa compagne. Mais à cause de ses origines roturières, il ne put l’épouser. Fort heureusement, la force de caractère de Madame – titre respectueux qu’Edward Augustus avait imposé pour désigner celle qui partageait sa vie – lui permettait d’affronter les inévitables désagréments d’une union illégitime avec un prince d’Angleterre. N’avait-elle pas réussi à se sortir indemne des affres de la Révolution qui avait dévasté la France?
    De son côté, malgré sa haute naissance, le duc de Kent était le plus infortuné des hommes. Dénigré par son père, il n’avait cessé d’accumuler déconvenues et coups du sort. Par sept fois, la mer avait englouti des équipages entiers qui lui étaient destinés et ces pertes l’avaient laissé considérablement endetté. Mais le prince de toutes les disgrâces – même son physique ingrat de vilain crapaud en témoignait: crâne dégarni, yeux globuleux et menton creux – avait fait la conquête d’une femme parmi les plus exquises d’Europe.
    Le duc de Kent et madame de Saint-Laurent ne s’étaient plus quittés. Elle était avec lui lorsqu’il fut affecté à Québec, en 1791. C’est à cette époque que le couple se lia aux Salaberry, une noble famille des plus en vue du Bas-Canada. Louis et Catherine de Salaberry avaient reçu le duc et Madame dans le manoir de Beauport, leur résidence principale, avec tous les égards dus à une Altesse Royale. La bonne société de Beauport étant pratiquement la même que celle de la capitale, par la suite, personne n’avait osé bouder la compagne du duc de Kent, et le prince en était resté profondément reconnaissant aux Salaberry. Ainsi était née une de ces amitiés indéfectibles qui durent au-delà du temps, au-delà des mers et des vicissitudes de la vie.
    Des années plus tard, lorsque le duc rentra enfin en Angleterre, il prit sous son aile les fils de Louis et Catherine afin de faciliter leur carrière militaire au sein de la plus grande armée du monde. Charles, Maurice, François et Édouard de Salaberry s’étaient rendus à Londres, au palais de Kensington, où le prince et Madame avaient pris soin d’eux comme s’ils avaient été leurs propres enfants: défrayant le coût de leurs études, fournissant à chacun son premier uniforme ainsi
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