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Essais sceptiques

Essais sceptiques

Titel: Essais sceptiques
Autoren: Bertrand Russell
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EN 1950 , tout le monde s’attendait que l’un des deux Prix Nobel dont disposait l’Académie suédoise cette année-là – celui de 1949 ayant été réservé – allât à sir Winston Churchill. L’ancien premier ministre de Grande-Bretagne venait de publier le troisième tome de sa magistrale épopée de la seconde grande guerre dont il avait été le héros principal, et il avait plusieurs avocats passionnés au sein même de l’Académie. Celle-ci – on peut le supposer sans grand risque de se tromper – a voulu attendre que l’entreprise gigantesque fût menée à bonne fin.
    Autre candidat très en vue : Pär Lagerkvist, poète, dramaturge et romancier suédois, proposé cette année par toutes les Sociétés des gens de lettres scandinaves. Il paraîtrait qu’un propos imprudent de son éditeur qui, en arrivant à New York, l’avait donné comme vainqueur certain devant la presse américaine, l’ait écarté momentanément de la compétition.
    Il ne manquait pas d’autres candidats de marque : anglais, français et américains, dont quelques-uns remportèrent plus tard la précieuse palme. L’Académie suédoise a préféré faire un mouvement tournant – après s’être concertée sur William Faulkner pour le Prix de 1949 – en attribuant son prix de 1950 à un
outsider
proposé cette année pour la première fois : lord Bertrand Russell, philosophe et sociologue anglais, troisième
earl
portant ce nom déjà illustre au temps des luttes – célébrées par Shakespeare – entre les familles Tudor et Plantagenet pour le trône d’Angleterre.
    La surprise fut générale, sans être cependant teintée de trop d’amertume. Depuis 1928, année où Henri Bergson reçut le Prix Nobel, aucun philosophe n’avait figuré au palmarès, et le vieux lord anglais – il approchait de quatre-vingts ans – n’était ni un rénovateur de la pensée, ni doué d’une imagination d’artiste dans sa manière d’écrire comme son prédécesseur français. Mais il était très connu et même assez populaire comme continuateur et vulgarisateur élégant et spirituel de la philosophie empirique et humaniste des grands penseurs anglais du XVIII e  siècle, les Locke, Berkeley et Hume, et non sans affinité avec les non moins influents utilitaristes du XIX e  siècle, les Jeremy Bentham, Stuart Mill et Herbert Spencer.
    On sait que ce dernier était particulièrement apprécié par Alfred Nobel qui aurait certainement vu avec plaisir Herbert Spencer recevoir le premier Prix Nobel de littérature auquel il était d’ailleurs candidat, et un candidat très en vue. Sans doute l’Académie suédoise, en pleine connaissance de cause, a-t-elle voulu marquer le cinquantenaire des Institutions Nobel en rendant un hommage tardif et discret au monde des idées que représentait Russell aussi bien que Spencer, et dont le donateur des Prix était également un familier.
    Faut-il rappeler, dans cet ordre d’idées, que Stuart Mill, ami de son père, fut aussi le parrain du jeune Bertrand Russell ? Malgré ses ascendances aristocratiques, celui-ci fut élevé dans une atmosphère fortement empreinte par le libéralisme traditionnel de sa famille qui s’est toujours trouvée dans l’opposition, et dont plusieurs membres ont dû payer de leur tête leur fidélité aux idées plus ou moins révolutionnaires de l’époque. Aussi l’actuel lord Russell dut-il faire six mois de prison pour agitation pacifiste pendant la première guerre mondiale. Plus tard, sa carrière universitaire fut interrompue plusieurs fois aussi bien en Angleterre qu’aux États-Unis – où il avait élu domicile pendant la seconde guerre – à cause de ses idées peu conformistes en différentes matières, politiques et autres, notamment celles concernant le mariage et le contrôle des naissances
(birth-control).
Mais lorsqu’il reçut le grand Prix, il avait fait la paix – du moins provisoirement – avec la Couronne, à cette époque conseillée par un gouvernement du
Labour Party.
Comme un signe visible de cette réconciliation, le collier de l
’Order of Merit
– qui n’a que vingt-quatre titulaires au maximum – lui avait été décerné par le roi George VI en 1949. L’ancien révolutionnaire en était aussi fier que du Prix Nobel, à en croire les confidences qu’il fit aux journalistes en arrivant à Stockholm, où il le portait avec une grande distinction à toutes les solennités.
    Le Prix Nobel de 1950 fut
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