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Julie et Salaberry

Julie et Salaberry

Titel: Julie et Salaberry
Autoren: Louise Chevrier
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qu’un peu d’argent de poche. Les jeunes Salaberry avaient eu l’honneur de dîner à la table du prince et d’assister au concert ou à l’opéra dans sa loge. Éblouis par cette vie de rêve, ils manifestaient leur reconnaissance en s’appliquant à devenir de bons officiers. Le duc et Madame se déclaraient satisfaits du comportement de leurs protégés dans la correspondance intime qu’ils échangeaient avec Louis et Catherine de Salaberry, restés à Beauport avec leurs trois filles.
    Un domestique en livrée annonça Charles de Salaberry.
    â€” Votre Altesse Royale, salua l’officier en entrant dans le cabinet.
    Madame de Saint-Laurent se trouvait avec le prince. Et comme à chacun de ses retours, Charles fut frappé par sa beauté. Ce matin-là, sa chevelure était coiffée en longs bandeaux noir jais, soulignant le teint diaphane d’un visage à l’ovale parfait.
    â€” Cher Salaberry, nous étions impatients de vous revoir, fit Madame en allant au-devant de lui pour l’embrasser, comme elle avait coutume de le faire lorsque l’officier rentrait en Angleterre, de retour de contrées lointaines où le menait son régiment.
    Ses absences pouvaient durer de longs mois, parfois même des années.
    Ce jour-là, le regard pénétrant de madame de Saint-Laurent le fixait étrangement.
    â€” Qu’avons-nous appris, Salaberry? Vous seriez amoureux?
    â€” Ah! Madame, lui répondit Charles, d’un ton joyeux. J’étais si impatient de vous parler de Mary. C’est une jeune fille… délicieuse. Elle est vive, intelligente et si jolie, je suis persuadé qu’elle vous plaira. Dès que j’obtiendrai le consentement de mon père à notre mariage, je retournerai en Irlande pour l’épouser.
    Transporté par la pensée de celle qu’il aimait, Charles mit un moment avant de constater que le duc de Kent et Madame ne partageaient pas son enthousiasme. Finalement, le duc se leva de sa table de travail en brandissant une lettre. Charles reconnut immédiatement l’écriture de son père.
    â€” Mon vieil ami m’a fait part de son désarroi, fit le duc, un reproche dans la voix. Et je ne peux que le partager. À quoi avez-vous songé, Salaberry, en vous liant ainsi à cette demoiselle? Je n’arrive pas à me l’expliquer.
    â€” Mais je l’aime! s’écria celui qui avait cru trouver un appui auprès de ses protecteurs. Votre Altesse Royale, considérez qu’elle est de bonne famille. Elle est fille d’officier, et puis c’est ma cousine. Mary a la meilleure éducation possible et jamais je n’aurai à rougir d’elle.
    â€” Cette jeune fille est pauvre et vous ne pouvez l’épouser.
    Les paroles du duc frappèrent net Salaberry. Soudaine ment, le monde s’écroula autour de lui.
    â€” Que voulez-vous dire? demanda-t-il.
    Le prince exposa brutalement à l’officier que sa modeste solde de capitaine ne pouvait suffire à entretenir une famille.
    â€” Jamais votre père ne donnera son consentement à pareil mariage. Vous devez d’abord penser à votre carrière. Il vous faut monter en grade et, à défaut d’acheter votre commission de major, seuls vos mérites vous permettront d’atteindre ce but. Vous êtes sans fortune, Salaberry, et cette demoiselle n’en a pas plus que vous. Ce mariage compromettra votre avancement et vous rendra malheureux.
    C’était pourtant la vérité. Louis de Salaberry avait pourvu ses quatre fils de leurs premières commissions d’officier jusqu’à ce que la fortune familiale se trouvât à sec. Cumulant des états de service remarquables, Salaberry avait réussi à obtenir le grade de capitaine dans son régiment. Mais il était incapable d’atteindre le rang supérieur de major, qui correspondait à son talent et à ses capacités, parce qu’il n’avait plus les moyens d’acheter la commission lorsqu’un poste devenait vacant. Plus d’une fois, il s’était fait devancer par des candidats d’ancienneté moindre que la sienne, mais plus fortunés. L’officier Salaberry n’avait d’autre choix que de patienter, s’il voulait gravir les échelons et toucher une solde plus substantielle.
    Follement amoureux,
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