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Iacobus

Iacobus

Titel: Iacobus
Autoren: Matilde Asensi
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préparer les mixtures pendant que Jonas et le frère
nourricier me regardaient avec admiration.
    — Vous êtes le chevalier hospitalier qui
réside dans notre monastère depuis plusieurs semaines, n’est-ce pas ? me
demanda le vieillard. Je vous ai aperçu très souvent lors de nos prières...
Tant de rumeurs courent sur votre communauté !
    — Les invités suscitent toujours la
curiosité, me limitai-je à remarquer avec un sourire.
    — Les enfants ne cessent de parler de vous,
et j’ai dû en arracher plus d’un aux fenêtres de la bibliothèque quand vous
vous y installez pour étudier. Vous ne l’aviez pas remarqué ? Celui-ci,
par exemple, qui tient plus du chat que de l’enfant, a reçu beaucoup de coups
sur la tête pour cette raison.
    J’éclatai de rire en voyant le visage ahuri de
Jonas qui me regardait fixement sans dire mot. Avec ma haute stature et mon
imposante carrure due au maniement constant de l’épée, je devais lui paraître
un Hercule ou un Samson surtout s’il me comparait aux moines tonsurés de la
communauté, toujours en jeûnes et pénitences.
    — Ainsi, tu m’as observé par la fenêtre...
    Ma voix le tira de sa rêverie et le fit sursauter.
Ramassant les basques de son habit, il sauta à terre et s’élança vers la porte
avant de disparaître entre les édifices.
    — Dieu Tout-Puissant ! cria le moine
nourricier en se lançant à sa poursuite, il va m’attraper une pneumonie !
    Le frère Borrell, l’emplâtre fétide entre les
mains, apparut entre les rideaux de la pharmacie et laissa échapper un soupir
résigné.
     
    Le coeur de la bibliothèque, le scriptorium, battait puissamment sous les hautes voûtes de
pierre, insufflant vie aux magnifiques manuscrits anciens qu’avec tant de
dévotion et de patience les moines scriptores recopiaient et
enluminaient. Tous ceux qui demeuraient dans le monastère, qu’ils soient monacus, capellanus ou novicius, avaient le droit
de venir ici s’instruire à loisir. Une salle annexe à laquelle on accédait par
une porte basse renfermait les précieuses archives du couvent. Tous les menus
faits de l’abbaye étaient enregistrés jour après jour dans cet important corpus
de documents. J’espérais bien y trouver les renseignements dont j’avais besoin
concernant Jonas. Mais pour consulter ces documents, il me fallait
l’autorisation du prieur.
    — Et à quoi devons-nous votre surprenant
intérêt pour les annales du monastère ? me demanda ce dernier quand je lui
adressai ma demande.
    — Ce serait trop long à expliquer, mais je
vous assure que ma requête ne comporte aucune mauvaise intention.
    — Je ne voulais pas me montrer indiscret,
frère, répondit-il aussitôt, troublé. Vous avez ma permission, bien sûr. Non,
je désirais simplement bavarder un peu avec vous... Cela fera bientôt deux mois
que vous vivez parmi nous et vous ne vous êtes lié d’amitié avec aucun de nos
moines, pas même avec l’abbé qui s’est pourtant efforcé de vous être agréable
en toute chose. Nous savons qu’hormis les livres rien ne saurait attirer votre
attention dans ce lieu consacré à l’étude et à la contemplation, mais nous
aurions aimé que vous nous racontiez un peu vos voyages, et votre vie.
    Toujours la même histoire, me dis-je, alarmé. Je
ne dois pas baisser la garde ou les Hospitaliers finiront comme les chevaliers
du Temple...
    — Vous devez m’excuser. Mon isolement
volontaire n’est nullement dû à ma condition de chevalier de l’ordre de
Saint-Jean-de-Jérusalem. J’ai toujours été ainsi, et je ne pense pas pouvoir
changer à mon âge. Mais vous avez raison, peut-être devrais-je davantage me
lier aux autres moines. Il y a peu, d’ailleurs, le frère nourricier me parlait
de l’intérêt que ma présence suscite parmi les pueri
oblati. Il serait peut-être bon que j’assiste à l’une de leurs
récréations pour parler avec eux ?
    — Vous n’y pensez pas ! Les enfants
ont une imagination débordante ! Vos aventures ne réussiraient qu’à les
exciter et leur enlever le sommeil alors qu’ils en ont tant besoin à cet âge...
Non, je regrette, je ne puis autoriser ces visites. Vous pourriez cependant,
ajouta-t-il d’un ton pensif, prendre à votre service un des pueri les plus âgés. Vous lui enseigneriez ainsi les rudiments de votre science afin
qu’il prenne en charge par la suite l’hôpital et l’infirmerie.
    — Excellente idée ! affirmai-je. Me
laisserez-vous
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